The Breach (Sous contrat d'édition)

Chapitre 39 : Raphaëlle

Je me suis levée à l'aube, encore une fois. C'est le seul moment où je peux sortir du camp sans que personne ne le remarque. C'est comme ça que j'ai découvert les aurores de Noham. Elles sont magnifiques. Il fait encore sombre, mais les sous-bois sont illuminés par des plantes phosphorescentes. J'ai l'impression de marcher sur un tapis de lumière. Parfois, une plante libère ses spores et des brins de lumière s'envolent avant de s'éteindre à petit feu. Un spectacle éphémère, mais que j'ai la chance de revoir chaque matin.

Il n'y a presque pas de bruit. Sauf le bruissement de mes pas et le chant timide de quelques animaux.

Je suis venue m'entraîner, puisque je ne peux rien faire à cause de ma convalescence.

"Tu reprendras vite des forces, mais reste prudent quand même" m'a dit Eden. "Il faut éviter la rechute. Même si le virus semble avoir disparu de ton organisme, par je ne sais quel miracle. Mais je t'en prie fais attention."

MS4. C'est ça le miracle. C'est cette merde que je me suis injectée qui m'a sauvée. Je n'ai pas eu le courage de le dire à Eden, ni à personne d'autre, seul Klev est au courant. Et maintenant l'équipe médicale veut en produire en masse. Voulait: j'ai pris l'échantillon de leur laboratoire.

Je sors alors le petit tube de ma poche. Le liquide bleuté me nargue. Même une minuscule prise à suffit pour faire naître l'addiction. Elle est là, elle est réelle. Je le sais à cause de la petite voix dans ma tête qui me chuchote de goûter ce foutu liquide bleu.

Ce ne sont pas 10 milligrammes qui me feront tomber dans le même état que la dernière fois. Et quand bien même, j'étais bien. 

Non.

Merveilleusement bien. Cet état dans lequel la réalité s'oublie si facilement, tout perd son importance. Tu n'as plus à te soucier de rien, parce que tu es bien. Même si ça te tue de l'admettre, tu le sais au fond. C'est ce que tu veux, sortir de la réalité encore une fois. Juste une dernière fois.

Non.

Tout le monde croit que l'échantillon a disparu. Klev le premier. Et si tu le bois, il le sera vraiment.

...non.

Je sers le tube dans ma paume. Ne pas céder. Sous aucun prétexte. Je l'enfonce au fond de la poche de mon treillis, et me jure que jamais, jamais je n'en prendrai à nouveau.

Cela fait une heure que je cours en me répétant cette phrase: je peux résister. Je peux résister. Je peux résister.

Je m'arrête essoufflée contre un tronc, et ressors le tube. La vérité c'est que je suis incapable de le jeter. J'ai même fait croire à Alek que le produit que j'ai détruit sous ses yeux hier était le MS4, alors qu'il était au fond de ma poche.

-Fait chier!

J'envoie mes poings contre l'arbre. La douleur remplace un instant l'obsession pour le produit bleu. Je recommence jusqu'à ce que mes phalange soit ankylosées et mes muscles douloureux.

Je n'ai pas envie de retourner au camp. Je préfère rester en retrait un peu plus longtemps. M'isoler de cette vie étrange que nous menons, espérer trouver une heure de répit pendant laquelle j'oublie que je suis sur Noham, et que la réalité a pris une tournure à laquelle personne ne s'attendait.

Le petit tube scintille lorsque je le monte au niveau de mes yeux et que les rayons le traversent.

Qu'est-ce que j'ai fait?

Ce truc me rend complètement dingue. Impossible de détourner les yeux, ni de penser à autre chose. Autre chose que l'effet qu'il a sur moi. C'est dément, impensable, effrayant.