Cap ou pas cap ?

S

     - Je n'ai pas vraiment envie d'en parler.
     - On va faire un truc. Je te raconte toute mon histoire avec Alyssa et tu me raconte la tienne avec Ben.

Je soupirai.

     - Commence, acceptai-je.

Il me sourit, fier d'avoir gagné.

     - Au début on était juste amis. Des amis d'enfance. Et comme elle était la personne que je connaissais depuis tout petit, c'est avec elle que j'ai fait ma première fois.

Je grimaçai ; ses expériences sexuelles ne m'intéressaient vraiment pas. Il m'ignora et continua.

     - A partir de ce soir là, on est plus devenus comme... Enfin c'était pour le sexe en fait. On était pas en couple, on était juste des amis qui couchaient ensemble. Mes parents se sont habitués à sa présence à la maison et elle est devenue ma petite amie à leurs yeux.
     - Tu es amoureux d'elle ? demandai-je subitement.
     - Non. Non je ne suis pas réellement amoureux d'elle, même si je ne sais pas exactement ce que ça veut dire, répliqua t-il, gêné.
     - Alors pourquoi tu tentes de la récupérer ? continuai-je de le questionner.
     - Je suppose que c'était un bon plan, dit-il en haussant les épaules. Et puis surtout elle me connaît mieux que personne. Elle connaît les moindres détails de ma petite vie minable et pathétique. Elle connaît mon caractère sur le bout des doigts. Et c'est la seule. Je pense que c'est pour ça que j'essaie de la récupérer. Ne plus lui raconter tout ce que je ressens me manque. Son oreille attentive me manque, murmura t-il, plongé dans ses pensées.
     - Qu'est-ce qu'il s'est passé ? Pourquoi vous avez arrêté ?
     - Elle a couché avec Ben. Moi ça ne me dérangeait pas, puisque nous n'étions pas réellement en couple. Mais mes parents l'ont su. Il fallait donc qu'on fasse au moins une pause, ils n'auraient pas compris. Alyssa ne voulait pas arrêter alors on s'est prit la tête parce-que je lui ai dit que...

Il s'interrompit. Je l'encourageai du regard à continuer et il soupira.

     - Je lui ai dit qu'elle ne comptait pas pour moi, qu'elle baisait juste bien. Qu'elle n'avait aucune importance à mes yeux et que depuis tout petit je me servait d'elle. Mais c'est sorti tout seul, je le pensais pas. C'était sur le coup de la colère, m'expliqua t-il.
     - Alors elle s'est énervée et elle est partie. Elle a trouvé du réconfort dans les bras de Ben, me le volant au passage, et maintenant je me retrouve avec toi et elle avec lui, continuai-je pour lui.

Il hôcha la tête.

     - Et toi ? C'est quoi ton histoire ?
     - On était très amis puis un jour on s'est mis ensemble. Ça s'est fait doucement, à l'improviste. Rien n'était calculé. J'étais amoureuse. Vraiment amoureuse, et il m'avait dit que lui aussi. On est resté deux ans ensemble, jusqu'à ce que je décide que j'étais prête.

Je baissai les yeux, gênée de devoir raconter cette étape de ma vie à Austin.

     - On s'est embrassé et ça a commencé à aller plus loin. Je l'aurai sûrement fait si son téléphone n'avait pas sonné. Pour être tranquille, c'est moi qui ai décroché.

Je pris une grande inspiration avant de continuer.

     - C'était Alyssa au téléphone. Je n'ai pas dit un seul mot et je me suis contentée d'écouter son message. Elle a commencé par "coucou babe", en passant par le "je regrette pas du tout hier soir, j'ai passé la nuit la plus fabuleuse de ma vie et je voulais savoir quand on allait remettre ça" et un tas d'autres choses complètement débiles. Je pouvais l'entendre sourire à travers le téléphone, cette salope. Et quand elle a commencé à dire qu'elle l'aimait et tout ce qui va avec, j'ai raccroché. Je me suis rhabillée sans rien dire et j'ai quitté la maison de Ben. J'ai failli coucher avec lui alors qu'il me trompait avec Alyssa. Le lendemain, je suis pas allée en cours. J'avais tout raconté à Amber qui s'était empressée d'aller menacer Ben.

Je souris doucement en évoquant ce passage. Elle était vraiment géniale cette fille.

     - Ben a compris que j'étais au courant de tout et on a commencé à se faire la misère chacun de notre côté. Le pire c'est quand j'ai appris qu'il s'était mis avec elle. Je pensais que c'était qu'une simple fille, je l'espérais en tout cas. Mais non. Il m'a trompé avec Alyssa et s'est mis avec deux jours après, devant moi.

J'essuyai rageusement une larme qui venait de se faire la malle de mon œil droit. Je m'en voulais de pleurer devant un mec insupportable. Je levai les yeux vers Austin.
Je ne lui avais pas adressé un seul regard depuis le moment où j'avais commencé à raconter. Il s'était assis à côté de moi sur le lit et me regardait à présent, compatissant. Compatissant ? Les mots "compatissant" et "Austin" ne vont pas ensemble.
Je secouai la tête pour chasser les larmes et me levai précipitamment.

     - Bon bah voilà tu voulais que je te dise, je te l'ai dit ! ris-je amèrement.
     - J'suis désolé. Si j'avais su que ça te faisait encore du mal comme ça, je te l'aurais pas demandé, s'excusa t-il en se levant pour se rapprocher de moi.
     - Ca ne me fait plus de mal ! me défendis-je.

Il ne répondit rien. Il savait que je mentais.

     - Est-ce que Ben avait raison ? demanda t-il au bout d'un moment.
     - A propos de quoi ?
     - Est-ce que tu ne me supportes pas ?

Je ne savais pas réellement quoi répondre.

     - Disons que je n'ai rien contre toi mais je n'aime pas le genre de mecs dont tu fais partie, dis-je, embarrassée.
     - Ah oui ? Et je suis quel genre de mec selon toi ?

Il semblait s'énerver.

     - Le genre de mec qui n'aime que deux choses dans la vie : les filles et la popularité, lâchai-je sans réfléchir.

Je vis son visage virer au rouge vif et il se rapprocha dangereusement de moi.

     - Tu ne me connais pas Kayla. Et si je suis ce genre de mec comme tu le prétends, moi je peux te dire que tu es une fille égoïste et qui juge sans savoir, lança t-il, menaçant.

Mon cœur battait de plus en plus vite et menaça de sortir de ma poitrine lorsqu'Austin colla son torse au mien. Ne voulant pas flancher, j'avais planté mon regard dans le sien et on se regardait à présent dans le blanc des yeux.

La porte s'ouvrit brusquement.

     - Maman nous appelle pour aller man... Oups pardon, je vous dérange peut-être, lança Jenny en se cachant les yeux de sa main droite et en rougissant.