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Avez-vous la moindre idée de ce que c'est de se réveiller sans aucun souvenir ?

Rien.

Savez-vous comment on peut se sentir lorsque, en ouvrant les yeux, la première chose qui vous vient à l'esprit, est une question ?

Où suis-je ? ai-je pensé, pour commencer. Tout était sombre et froid autour de moi. Du moins, savais-je que ça aurait dû être froid. Pour être tout à fait exact, je ne sentais pas réellement la température. C'était assez difficile à définir, au fond. En revanche, j'étais dans le noir. A ce sujet il n'y avait aucun doute. Seule la lune, dans le ciel, semblait me fixer avec insistance. Il y avait comme un étrange écran entre elle et moi. C'est alors que je compris que j'étais dans l'eau ! Sous la glace.

Je flottais entre deux eaux, sans ressentir la moindre humidité. Subitement pris de panique, je nageai vers la surface aussi rapidement que je le pus. Une fois sorti, ma terreur s'envola et mon regard se planta sur la face de la lune. Magnifique, immense et brillante. J'en oubliai tout. Mes questions en particulier. Je serais resté là des heures, si je n'avais eu le regard attiré par un reflet changeant sur la glace qui recouvrait le lac. C'est alors que je compris que j'avais dû tomber dedans. Qu'avais-je fait là, en premier lieu ? Je n'en savais rien. Et... qui étais-je ?

Je secouai vivement la tête, pour tenter de me remettre les idées en place, et réalisai par la même occasion que je me trouvais à plus d'un mètre au-dessus du niveau de l'eau. Je volais ! Littéralement. A nouveau, le stress me gagna et, tandis que je m'agitai énergiquement, je retombai vers le sol et m'affalai sur le lac gelé. Là encore, je ne ressentis pas le froid. C'était comme si je ne touchais pas vraiment la glace. Je percevais, plus que je ne ressentais, sa température. C'était particulièrement déstabilisant. Pas plus que de me retrouver à flotter dans le ciel sombre de cette nuit de pleine lune, ceci dit. Ni que de voir les dernières craquelures de l'eau gelée se refermer sous moi.

Je repris rapidement mes esprits, me relevai en jetant un œil à ce morceau de bois qui semblait m'appeler. Décidément, tout était bizarre. Et j'ignorais toujours qui j'étais. Je poussai le bâton de mon orteil nu et il se recouvrit en partie de givre brillant. Amusé, je réitérai l'expérience et finis par attraper la canne de berger. Sous mes doigts, le bois s'illumina légèrement. Surpris, je faillis le laisser tomber et lorsque la pointe toucha le sol, une nouvelle couche de glace recouvrit celle déjà présente. De grandes arabesques blanches et brillantes se dessinèrent sur le sol en laissant échapper une légère fumée blanchâtre. C'était un spectacle merveilleux, plus encore que celui de la Lune dans le ciel. Je bougeai le bâton et dessinai au hasard de nouvelles trainées glacées. Courant sur la surface du lac, à présent, manquant trébucher à chaque mouvement brusque. Inconscient d'un quelconque danger, j'éclatai de rire, tombai, me relevai et recommençai. Le givre dansait sur la surface du lac avec moi, sous le regard bienveillant de l'astre de la nuit.

— Jack... entendis-je alors murmurer à mon oreille.

Je me retournai brusquement, glissant sur la glace et m'envolant pour ne pas chuter. Il n'y avait personne dans mon champ de vision, même après un examen approfondi des environs directs. Je me posai, un peu plus aisément que la première fois. Je continuai à chercher dans la pénombre. Le lac était bordé d'arbres. Des sapins, des boulots et d'autres encore. Il était difficile de voir bien loin. Cependant, la voix que j'avais entendue ne venait pas de loin. On avait chuchoté tout près.

Probablement avais-je rêvé. Pourtant, à peine décidai-je de passer à autre chose que la voix se fit entendre de nouveau.

— Jack, fit-elle de nouveau au creux de mon oreille. Jack... Frost.

J'ignore pourquoi. J'ignore comment. Mais à ce moment précis, je compris que c'était la Lune. Je me tournai vers le disque blanc qui me fixait de là-haut. Elle m'avait parlé. Elle m'avait donné la vie également. C'était grâce à elle que j'étais là. Toutes les fibres de mon être me le hurlaient. Un sourire étira alors mes lèvres et je m'inclinai respectueusement devant le satellite.

Je m'appelle Jack Frost. Comment je le sais ? C'est la Lune qui me l'a dit.

La Lune ne m'adressa plus jamais la parole. Depuis ce moment, lorsqu'elle me révéla mon identité, je fus seul. Désespérément seul.

Au début, cela ne me parut pas bien grave. Après tout, j'avais ce bâton magique qui créait du givre autour de moi. C'était magnifique, comme je l'ai déjà dit. Je restai sur ce lac pendant de longues minutes jusqu'à ce que je m'élève dans les cieux, tout à fait involontairement. Ce fut une expérience effrayante. Les trente premières secondes du moins. Je montai à la verticale en tournoyant, sans le moindre contrôle et puis, lorsque je parvenais à reprendre un peu mes esprits, je chutais. Ce fut le cas deux ou trois fois avant que je finisse par comprendre comment cela fonctionnait. Je pus à peu près maîtriser ma trajectoire et me dirigeai vers le village le plus proche. C'est à ce moment que mes ennuis commencèrent. Après m'être écrasé à l'entrée du hameau et alors que je cherchais à savoir où je me trouvais, un petit garçon me passa au travers. Il me passa réellement au travers !

Sûrement avez-vous déjà eu cette sensation d'être invisible pour les gens qui vous entouraient. Après tout, je vous ai observés à maintes reprises. Je vois bien comment cela se passe. Eh bien, pour moi, ce n'était pas qu'une impression. Ces villageois ne me voyaient pas. Ils ne me sentaient pas non plus lorsqu'ils me traversaient, déclenchant un horrible frisson dans tout mon être. Aucun ne me vit. Je le sais car je suis allé les voir, tous et chacun. Me plaçant devant celui-ci, sur son chemin vers la maison. Donnant une tape à celle-ci, qui discutait avec son fils. Même mon bâton, qui me donnait mon pouvoir et que je ne lâchais plus, ne leur faisait aucun effet. J'étais invisible. Je n'existais pas, pour être plus précis. Rien n'y fit. Je passai des heures à tester chaque personne qui passât dans la rue. Aucun, jamais, n'eut la moindre interaction avec moi. De guerre lasse, je m'assis sur le sol et me mis à pleurer doucement. Notez bien que j'aurais pu hurler, ça n'aurait pas fait la moindre différence.

C'est alors que je remarquai que mes larmes qui s'écrasaient dans la terre boueuse, piétinée par les chevaux et les passants, se transformaient en flocons aux formes complexes. Une fois encore, le spectacle me ravit et me redonna le sourire. Je relevai la tête et tombai alors nez à nez avec une petite fille emmitouflée dans un manteau bien trop grand pour elle.

— Tu peux me voir ? lui demandai-je bondissant sur mes pieds.

Mais elle ne répondit pas, évidemment. Elle fixait mes larmes par terre et souriait. Ma tristesse lui donnait le sourire. C'est à ce moment que je compris que ma vie serait la pire qu'on puisse avoir.

Après ce jour, j'ai beaucoup marché. J'ai beaucoup pleuré également. Où que j'aille, mes pas créaient du givre. Si au début, je trouvais cela très joli, je m'en suis très vite lassé. J'aurais voulu être capable d'éteindre ce gel permanent. Non que j'avais froid. Je ne ressentait le froid autrement que comme une vague sensation distante. Mais transformer son entourage en glaçon n'avait finalement rien de bien amusant. C'était joli lorsqu'il s'agissait d'arabesques fumantes. Ça l'était moins lorsque je me réveillais à l'orée d'un village entièrement statufié sous une épaisse couche de glace.

Lorsque je m'étais endormi, pour la première fois à portée d'un village, j'eus la surprise de découvrir la puissance de ma malédiction. Certaines maisons étaient gelées jusqu'au sommet de leur cheminée à mon réveil. Je tapai avec force contre l'épais manteau, mais rien n'y fit. Pis, plus je paniquais, plus le gel gagnait en épaisseur et se répandait plus loin dans le bourg. Lorsque j'eus la certitude que les villageois étaient encore en vie à l'intérieur, je m'envolai en me jurant de ne plus m'approcher d'un être humain. Plus jamais.

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Voilà, je me suis lancé. 

Alors, First things first, je voudrais remercier SamanthaPryde pour sa bêtalecture. (Le boulot n'est pas fini, Sam ! D'autres chapitres arrivent.)

J'espère que les fans du genre finiront par débarquer sur cette histoire et me donneront leur avis. 

Allez : lâchez-vous sur les comm !

Et si vous avez des fanarts à me faire découvrir je suis preneur. Le plus beau sera en média du prochain chapitre ;)

L'esprit de l'hiverWhere stories live. Discover now