Prologue

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8 juillet – Rochefort.

Installé à la préfecture maritime dès son arrivée, Napoléon avait accordé une entrevue aux représentants des différentes forces militaires qui stationnaient dans les environs et lui avaient renouvelé leur fidélité. Il leur avait accordé ce dernier entretien avant d'embarquer à bord de la frégate La Saale. Il hésitait cependant. Depuis qu'il avait quitté la propriété de Malmaison, il ne pensait pas recevoir autant de marques d'attachement, voire de dévotion de la part du peuple qui continuait de crier « Vive l'empereur ! » sur son passage. Ces manifestations chaleureuses le faisaient douter. Tout autant que les hommes présents à cette entrevue et qui l'enjoignaient de ne pas renoncer à la lutte. Pourtant, lui-même regardait déjà vers l'Ouest et l'Amérique où il espérait vivre enfin en paix.

Assis au milieu des généraux qui palabraient sur les conditions d'un ultime revirement du destin, l'empereur déchu paraissait sombre. Il souffrait depuis quelques jours de cette cystite qui lui laissait de moins en moins de répit. Il se sentait las et de nouveau troublé, près, pour la première fois de sa vie, de renoncer. Le manque de sommeil, peut-être, ou bien le peu d'espoir que lui accordait la situation présente ajoutait à son manque d'entrain. Comme il venait de le dire quelques instants plus tôt, résister ne ferait qu'attiser la colère des ennemis de la France. Il ne pouvait pas... il ne devait pas tenter de nouvelle action d'éclat au risque de plonger le pays dans une guerre sanglante. Cette fois-ci, ni la Prusse ni l'Angleterre ne se montreraient cléments.

La défaite de Waterloo continuait de l'accabler : tous ces morts ! Il avait espéré mourir sur le champ de bataille, telle une victime propitiatoire sur l'autel de l'empire, afin de sauver l'héritage qu'il souhaitait léguer à ses enfants et aux enfants de la France. Ses hommes lui avaient refusé ce destin et à présent, ils bourdonnaient tous autour de lui, qui pour proposer une retraite vers les colonies, qui au contraire pour foncer sur Paris et damer le pion à Fouché et Talleyrand, les ennemis jurés.

Soudain, les grandes portes du salon de réception de la préfecture s'ouvrirent à la volée et un homme à bout de souffle annonça :

« Paris a capitulé ! Louis XVIII est aux Tuileries !

Le sang de Bonaparte ne fit qu'un tour. Il se leva d'un bond et se précipita vers Bonnefoux qui tenait à la main le journal qu'on venait de lui remettre. Il le lui arracha et l'envoya voler à travers la pièce, hors de lui.

« Majesté, s'exclama le général Becker, il faut partir. Embarquez dès à présent et ordonnez qu'on lève l'ancre avant qu'il ne soit trop tard !

— Fuir ? rétorqua Napoléon, outré.

— Les Royalistes vont se déchaîner, renchérit Las Cases, compagnon de toujours. S'ils vous trouvent, vous n'êtes même pas certain de regagner Paris. »

Ils pensaient sans doute à ce qui était arrivé à Louis XVI et les conséquences de son arrestation à Varennes.

« Sortez ! ordonna Napoléon. J'ai besoin de réfléchir.

— Oui, mais pas trop longtemps », entendit-il murmurer Savary. Le duc était pâle, visiblement inquiet. Même ses hommes commençaient à ne plus y croire. Alors pourquoi lutter ? Pourquoi ne parvenait-il pas à se résigner tout à fait ?

Il resta un long moment, seul, debout près de la fenêtre qui donnait sur une rue animée en ce milieu de matinée.

On frappa de nouveau à la porte. Intrigué qu'on puisse revenir sur un de ses commandements, Bonaparte lança un « Entrez ! » cassant. Ali, son fidèle serviteur, pencha la tête dans l'entrebâillement de la porte.

« Majesté... »

Napoléon eut un geste agacé. Que diable s'obstinait-il à l'appeler ainsi ?

Les Aigles du Mississippi : L'Ange et le Faucon - 1حيث تعيش القصص. اكتشف الآن