Chapitre 6 - M. Antoine et le loup des Chazes

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François Antoine n'est pas venu seul en Gévaudan : il a amené avec lui l'un de ses fils, 8 capitaines de la garde royale (leur présence est toutefois très douteuse et il est plus probable qu'il s'agisse là d'une confusion avec les gardes-chasse mentionnés tout de suite après cette parenthèse), 6 (ou 8 ?) gardes-chasse « prêtés » par les princes du sang, des domestiques et des valets de limiers, sans compter 4 chiens empruntés au chenil royal et des chevaux, superbes on s'en doute.

Il s'installe avec son fils à Sauzet, au plus près du lieu des derniers meurtres de la Bête, et les gardes couchent, en payant, chez l'habitant.

Le peuple fonde d'immenses espoirs en lui. Et le roi aussi, dont l'honneur est ainsi mis en jeu.

Il faut s'imaginer le contexte de cette période de désolation : les paysans pour la plupart sont très pauvres et chacun, dans les familles, doit mettre la main à la pâte, y compris les enfants qu'on ne scolarise pas (personne ou presque ne sait lire ni écrire parmi les pantres, c'est inutile aux travaux des champs) mais qu'on envoie remplir des tâches subalternes, le plus souvent garder le troupeau au pré.

Or les méfaits de la Bête n'incitent plus du tout les parents à risquer la vie de leurs enfants.

Il faut donc les envoyer aux pâturages en groupes, ce qui ne facilite pas les choses car on regroupe alors aussi les troupeaux sur des mêmes pacages n'appartenant qu'à un seul des éleveurs. Et encore, ce n'est pas une solution très sûre puisqu'on a vu que la Bête, comme dans le cas du jeune Portefaix, n'a pas peur de s'en prendre à un groupe de plusieurs enfants, même armés de « paradous ».

Ou bien, dans les endroits où la Bête sévit le plus souvent, on ne les envoie plus, ce qui oblige soit à nourrir le bétail avec du foin sec normalement réservé aux mois d'hiver soit à faire garder les troupeaux au pâturage par des adultes bien armés qui auraient été plus utiles ailleurs.

M. Antoine commence par donner des ordres visant à la destruction de tous les loups qui seront rencontrés, avec promesse de récompenses si on lui porte les cadavres. Après tout, si la Bête était l'un de ceux-ci, sait-on jamais...

Mais, détruire les loups, c'est ce qu'on faisait déjà depuis l'apparition de la Bête.

Il n'est pas partisan des battues et préfère poster des guetteurs bien armés la nuit aux endroits stratégiques, surtout que la Bête semble depuis deux mois se confiner au nord du Gévaudan, à la limite de l'Auvergne, dans un territoire relativement restreint par rapport au grand arc de cercle qu'elle a décrit depuis son apparition en juin 1764 dans la forêt de Mercoire en répandant la mort tout au long de son errance.

Il participe néanmoins à la grande battue qui était prévue le 30 juin, avec les d'Enneval.

On prévoit que si les d'Enneval refont ultérieurement des battues, il faudra que ce soit en des lieux éloignés des postes de guetteurs des hommes de M. Antoine, ceci aux fins de ne pas effaroucher la Bête.

Au fait, que fait-elle, la Bête ? Depuis l'arrivée de M. Antoine, on n'en entend plus parler. Coïncidence sans doute...

Mais elle ne va hélas pas jeûner longtemps : le 2 juillet, elle tue une femme à Aubrac.

Puis le 4, elle attaque sans dommages deux jeunes gens à Ganigal avant de tuer une femme de 68 ans à Broussoles, tentant sans succès de la dévorer avant d'être mise difficilement en fuite suite à l'alarme qui avait été donnée par la jeune qui accompagnait la victime. Elle file alors à Julianges et le même jour y attaque, encore vainement, une jeune femme.

M. Antoine arrive sur place et relève des traces qui semblent être celles d'un gros loup.

Les attaques vont se succéder ainsi pendant tout le mois de juillet.

La Bête du Gévaudan, une histoire vraieOù les histoires vivent. Découvrez maintenant