La cuillère n'existe pas

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Et si nous n'existions pas ?

Voilà bien une question qui fait son petit effet. C'est sûr que devant une assemblée de collègues ou d'amis, sortir ce genre de phrases t'assure d'emblée une certaine part d'audimat. Mais il y a un revers immédiat à cette médaille. Tu passeras immanquablement pour un fou. Un dément prêt à tout pour qu'on lui accorde quelques secondes d'attention. Quelques secondes et pas plus, c'est le temps qu'il te faudra pour convaincre cet auditoire que tu es sain d'esprit, ou pas loin. Mais voilà, il tefaudra bien plus, ne serait-ce que pour faire comprendre les principes de base qu'induisent cette question. Et puis si nous n'existions pas, à quoi bon écouter un être inexistant parler de sa non existence ?

Si nous n'existions pas, pourquoi diable nous poserions nous cette question ? Le fait même de réfléchir à l'éventualité de notre non-existence ne tendrait-il pas à prouver le contraire ? Là encore, à moins que tes potes ne soient de chevronnés philosophes ou que ton entourage professionnel ne soit habillé que de blouses blanches avec les mains attachées dans le dos, ton auditoire se réduira très vite. tu en es arrivé à te demander à haute voix si le fait de te demander si tu existes prouve ou non ton existence.

Tout ceci vire au grotesque ma foi...

Etre ou ne pas être, voilà donc la question. Si le monde entier, l'univers, chacun des animaux, des plantes, chacun des objets animés ou non qui nous entourent n'étaient que le fruit de notre imagination. Si en fait nous n'existions pas physiquement ? Voilà qui se précise. Il est possible que le monde physique n'existe pas. Dans l'absolu tout est possible, alors pourquoi pas me diras-tu. Mais qu'est-ce que cette non existence physique induit ? Serions-nous de simples penseurs immatériels voguant dans un vide impalpable et même finalement inimaginable. 

Bah oui, si le matériel n'existe pas, le vide (l'absence de matériel) est difficilement envisageable. Comment pourrions-nous même concevoir le principe de vide puisque le "quelque chose" n'existerait pas. Tout cela commence à devenir compliqué non ?

Revenons au point de départ un instant.  Nous n'existons pas...

Parfois je croise des gens et je me demande ce qu'ils étaient avant que je ne les croise. Celui-ci avec son grand sac de sport, il transporte un survêtement et des balles de foot ou bien un fusil mitrailleur et quelques pins de plastique ? Celle-là, avec ses talons aiguilles et son air supérieur. Elle va à son bureau où elle est assistante de direction ou bien elle s'enfuit avec son amant qui porte dans son sac de quoi faire sauter la banque au sens propre ?

Ne t'es-tu jamais posé ce genre de questions ? Moi si. Presque tout le temps. Ce que sont les gens qui m'entourent m'intéresse. Non. C'est pas vrai je m'en fous. Mais ce qu'ils faisaient, à quoi ils pensaient, que disaient-ils, ça ça m'intrigue. Tu as sûrement toi-même réalisé ce genre d'exercice non ? Evidemment, ce sont des gens qui ne me connaissent pas et qui ne me portent pas la moindre attention. Mais je les regarde et je me questionne sur ces gens qui ne vivent pour moi qu'un très bref instant parfois. Forcément, différents scénarii peuvent se mettre en place lorsqu'on s'attache à mettre en place une vie à partir du portrait d'une personne tiré à la va-vite, l'espace d'une seconde où nos chemins se sont croisés.

Cas typique : le mendiant étranger. Ne me dis pas que jamais tu ne t'es dit au sujet de l'un d'entre eux, celui-là il est tout à fait capable de bien parler français, il a juste pas envie de se trouver un boulot ; il préfère quémander son argent. Cette petite remarque est tout à fait anodine en elle-même. Mais elle cache un phénomène bien plus complexe qu'il n'y paraît. Cela reviendrait à dire que tu as créé un univers autour d'un personnage. Tu as été les scénaristes de la vie de ce mendiant l'espace d'un instant. Eh ouais ! On est tous des Tarantino :)

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