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Le lendemain matin, le ciel était bas, gris, presque métallique. Djamila marchait vite pour ne pas rater son premier cours. Elle portait un pull large, ses écouteurs vissés aux oreilles, mais la voix de Théo résonnait encore dans sa tête, plus claire que n’importe quelle musique.
> « J’ai plus peur de te voir douter de toi. »
Elle avait passé une bonne partie de la nuit à revoir les pointeurs. Pas seulement pour le cours. Pour elle. Pour ne pas laisser les mots cassants de Madame Roussel s’imprimer trop profondément.
En entrant dans la salle B214, elle vit tout de suite Adrien affalé à sa place, les pieds posés sur la barre métallique du banc devant lui, un sourire arrogant pendu au visage. À côté de lui, une place vide. Celle de Djamila.
Elle hésita un instant.
Puis elle inspira, releva légèrement le menton, et s’assit à côté de lui sans un mot. Il la regarda du coin de l’œil, puis, faussement amical :
— Alors, t’as survécu à la foudre Roussel hier ?
Elle ne répondit pas. Mais dans son regard, il y avait un éclat nouveau, une flamme contenue. Elle n’allait pas lui offrir sa fragilité.
Madame Roussel entra à cet instant, tirant sur les pans de son tailleur strict. Elle n’eut même pas besoin de parler pour que la salle tombe dans un silence parfait.
— Aujourd’hui, nous allons voir l’allocation dynamique de mémoire. Et comme certains ici pensent tout savoir, on verra s’ils suivent quand on quitte les eaux calmes du malloc.
Certains ricanèrent. D’autres baissèrent la tête. Djamila, elle, prit son clavier, droite, attentive. Pas pour elle. Pour prouver quelque chose. Pas à la prof. Pas à Adrien. À elle-même.
La matinée passa entre codes, erreurs de compilation et regards fuyants.
Mais à la pause, alors qu’elle rangeait ses affaires, une voix surgit derrière elle.
— Pas mal, Keïta.
Elle se retourna. Madame Roussel. L’expression toujours fermée. Mais dans ses yeux, une nuance. Un soupçon d’estime.
— Vous apprenez vite.
Puis, sans attendre de réponse, elle s’éloigna déjà, sa silhouette rigide disparaissant entre les rangées de tables.
Djamila resta figée un instant. Elle sentit un frisson lui traverser l’échine. Une validation discrète. Fugace, mais réelle.
Et au fond d’elle, comme une variable nouvellement initialisée, quelque chose commença à s’aligner.
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CODE NOIR
Teen Fiction--- 📘 Code Noir - Elle n'a pas forcé la porte. Elle l'a piratée. Djamila, 18 ans, quitte Bamako pour intégrer une école d'informatique en France. Dans un monde technique, froid et codifié, elle se bat pour exister. Entre pannes réseaux, codes binai...
