Chapitre 7 - Variables humaines

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Le bureau de Mme Lorentz semblait tiré au cordeau.

Chaque livre, chaque plante, chaque marqueur de tableau avait sa place. Le genre d’ordre qui ne laisse rien passer.
Djamila, assise face à elle, gardait les mains jointes sur ses genoux pour éviter de tripoter sa manche ou mordiller ses lèvres.

— Vous avez rendu votre rapport de projet avec trois jours de retard, mademoiselle.
Ce n’est pas acceptable.

La voix était calme, mais ferme. Pas un mot de trop. Pas une pause inutile.

— Je suis désolée, madame. C’était un problème de…

— De quoi ? De motivation ? D’organisation ? Ou juste de binôme ? coupa Mme Lorentz.

Elle s’était penchée légèrement, sans agressivité. Juste cette manière sèche de disséquer les excuses.

Djamila sentit sa gorge se serrer.

— Mon binôme ne m’a pas laissé vraiment travailler, souffla-t-elle finalement. Il a tout pris en main sans me consulter. J’ai eu du mal à réintégrer ce que je voulais dire dans le rapport.

Mme Lorentz la fixa. Longtemps.

— Adrien, n’est-ce pas ?

Djamila acquiesça, surprise qu’elle le sache déjà.

La professeure se leva alors, fit quelques pas jusqu’à la fenêtre. Elle croisa les bras, contemplant les arbres rougis par l’automne.

— Vous croyez que c’est la première fois qu’on me signale son comportement ? lança-t-elle doucement. Il est brillant, oui. Mais ce n’est pas suffisant.

Elle revint vers le bureau, planta son regard dans celui de Djamila.

— J’attends plus de vous que de me raconter ce que les autres font mal. J’attends que vous trouviez comment imposer votre place. Même dans le chaos. Même dans l’ombre d’un Adrien.

Djamila baissa les yeux.

— Vous pensez que j’en suis capable ?

Un silence. Puis :

— Je ne perds pas mon temps avec ceux qui ne le sont pas.

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Quand elle ressortit du bureau, Djamila n’était ni soulagée ni humiliée.
Juste habitée par une forme nouvelle de lucidité.
La professeure Lorentz n’était pas là pour l’écraser.
Elle était là pour la faire grandir, même si c’était douloureux.

Elle descendit les marches lentement, le cœur battant.
En bas, elle croisa Théo. Il allait dans l’autre sens, sans doute vers le bâtiment info.

— Tu lui as parlé ? demanda-t-il, juste en la voyant.

— Oui, murmura-t-elle.

— Elle t’a laminée ?

Djamila sourit, un peu malgré elle.

— Non.
Elle m’a fait comprendre que j’étais attendue au tournant.

Théo hocha la tête. Il sembla apprécier la réponse.

— C’est toujours comme ça avec elle.
Elle voit ce que t’es, bien avant que toi tu le voies.

Puis il reprit son chemin, les mains dans les poches, comme si cette vérité-là ne méritait pas d’être discutée.

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