Paris. Fin d'après-midi. Un de ces jours où le ciel hésite entre or et gris.
L'air est doux, presque tiède. Le genre de température qui fait rester plus longtemps en terrasse, même quand les verres sont déjà vides.
Maghla, Léna et Élina sont installées à une table un peu en retrait d'un petit café du 11e.
Rien de spécial.
Une table bancale, deux chaises en métal, une banquette recouverte d'un coussin délavé.
Mais elles y sont bien. Protégées du bruit. Protégées du reste.
Élina est assise côté mur.
Clope allumée.
Coca bien froid devant elle.
Casquette noire vissée sur la tête.
Les jambes croisées sous la table.
Elle ne parle pas beaucoup.
Mais elle écoute.
Et quand elle rit, c'est franc.
Léna, lunettes de soleil sur le nez, a commandé un thé glacé.
Maghla un café allongé.
Les deux parlent vite, fort, entre deux éclats de voix.
Et Élina se laisse porter.
Un moment suspendu.
Un entre-deux de leurs vies.
Jusqu'à ce que Léna glisse, en toute détente :
— Tu comptes nous dire ou pas ?
Élina relève la tête.
— Quoi ?
— Maxence.
Le prénom claque un peu trop fort entre les murs du café.
Élina tire sur sa clope.
Elle aurait préféré que le ciel devienne orage juste pour couvrir ça.
— Y'a rien, répond-elle.
Maghla rit, sèchement.
— Si y'avait rien, on serait pas tous là à marcher sur des œufs depuis une semaine.
— On marche pas sur des œufs.
— Toi non. Nous, si. Et lui aussi, d'ailleurs.
Élina détourne le regard.
Elle boit une gorgée de Coca.
Léna s'appuie contre le dossier de la chaise, les bras croisés.
— Vous allez craquer ou vous allez mourir de tension retenue ? Parce que moi, perso, j'en peux plus.
— Vous avez pas à supporter ça, répond Élina.
— Si, dit Maghla. Parce qu'on vous aime, tous les deux. Et parce que c'est plus possible de vous regarder tourner autour comme des ados mal codés.
Elle se mord l'intérieur de la joue.
Elle voudrait rire.
Elle voudrait dire "c'est pas si grave".
Mais elle ne peut pas.
Elle les regarde.
Léna. Maghla.
Elles sont là. Vraiment là.
Et ça la désarme.
— Il m'embrasse pas, finit-elle par dire.
Silence.
Léna hausse les sourcils.
Maghla repose sa tasse.
— Il t'embrasse pas ?
— Il me regarde. Il me cherche. Il me suit. Il me touche presque. Et à chaque fois, il s'arrête. À une seconde. À un souffle. Et moi j'en peux plus.
Elle s'arrête.
Ses doigts tremblent un peu.
— J'en peux plus de ce presque-là. Il est partout. Tout le temps. Il m'épuise.
Léna la fixe. Longtemps.
— Et tu l'aimes ?
Elle relève les yeux.
— J'sais pas.
— Si. Tu sais.
— J'ai peur.
— Et lui ?
— Je sais pas.
Maghla se penche un peu.
— Alors qu'est-ce que tu veux qu'on fasse, nous ?
— Rien.
— On peut pas rien, Élina. Parce que toi, tu fais semblant d'être forte. Et lui, il fait semblant de rien ressentir. Et nous, on regarde deux personnes qu'on aime se bousiller à coup de silences.
Élina se tait.
Elle tire sur sa clope jusqu'à ce qu'il ne reste plus rien.
Puis elle l'écrase, lentement.
Elle regarde le sol.
— J'veux juste qu'il me dise.
— Quoi ? demande Léna.
— Qu'il en a envie.
— Il te le montre, non ?
— Moi j'veux qu'il le dise.
Le serveur passe.
Ramasse les verres vides.
Le monde continue.
La rue s'agite doucement.
Mais à leur table, tout reste figé.
— On peut faire un pacte, dit Maghla.
— Quel genre ?
— On lui enferme dans une pièce. Et si cette fois il n'ose toujours pas, on lui colle une claque.
Élina éclate de rire.
Un vrai. Un beau. Un qui secoue les épaules.
Et Léna sourit, soulagée de la revoir comme ça, même une seconde.
— J'le fais pas pour moi, hein. Mais pour la paix mondiale, ajoute Maghla.
Élina les regarde.
Et pour la première fois, elle dit :
— J'crois que j'ai besoin d'aide.
Maghla pose sa main sur la sienne.
— On est là pour ça.
Léna hoche la tête.
Et dans ce petit coin de terrasse parisienne, au milieu du bruit du monde, quelque chose se stabilise en elle.
Pas parce que c'est réglé.
Mais parce qu'elle n'est plus seule à le porter.
Et ça change tout.
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Algorithme du cœur -Anyme023 (EN PAUSE)
Fanfiction« Être la sœur de Squeezie, c'est déjà pas simple. Mais quand ton pseudo anonyme commence à clasher régulièrement le streamer le plus regardé de France, tu sais que tu joues avec un feu que t'as pas allumé. » Élina n'a jamais voulu exister sous les...
