Chapitre 41 - Don't blame me.

Magsimula sa umpisa
                                        

À peine un an nous sépare, et pourtant, parfois, j'ai l'impression qu'un gouffre entier nous oppose.

Mais je serai là. Quoi qu'il prépare. Quoi qu'il arrive.

Je me souviens de cette époque, quand nous étions encore enfants, juste après le départ de notre mère. Marco avait dix ans, Luca seulement sept, Matteo seize, et moi onze.

Je ne voulais parler à personne, à personne d'autre que Marco. Avec lui, c'était différent. Notre lien fraternel avait toujours été spécial, presque instinctif. Je le consolais quand il pleurait, quand la douleur du départ de notre mère, et des coups de notre père se faisait trop lourde à porter.

Luca, lui, était trop petit pour tout comprendre, mais je voyais bien qu'il ressentait le vide laissé par notre mère. Il lui manquait cruellement, même s'il n'avait pas les mots pour l'exprimer.

Quant à Matteo, il restait impassible en apparence, mais je savais qu'il portait le poids de tout ça sur ses épaules. Il passait son temps à s'occuper de nous, à essayer de nous protéger, de nous rapprocher malgré les tensions et les disputes qui éclataient souvent entre nous.

Je me rappelle encore de ses paroles, gravées dans ma mémoire comme une promesse silencieuse :

« Nous ne devons pas nous éloigner. Il ne reste que nous. La famiglia non si lascia mai.»
(= la famille ne se lâche jamais. *en italien).

C'est grâce à lui que nous avons tenu bon.
Malgré les nombreuses bagarres, malgré les différends, malgré les silences parfois lourds, nous nous sommes resserrés les uns aux autres.

Matteo a toujours eu mon admiration, pour son calme, sa maturité, et cette force tranquille qui semblait pouvoir tout affronter. Dans notre monde, qui avait pris un tournant si brutal, il était notre ancre, notre refuge.

Finalement, je lui tapai un message rapide pour lui demander de venir dès demain matin, puis je reposai mon téléphone sur la table de chevet.

Je m'allongeai sur le lit, les bras croisés derrière la tête, les yeux fixés au plafond. Le silence de la chambre me pesait. Trop lourd, trop profond.

Et comme toujours, quand le calme s'installait, les souvenirs revenaient. Brutaux. Implacables.
Venimeux.

Je me perds souvent dans mon passé lorsque je suis seul, sans rien à faire. C'est précisément pour ça que je hais l'inaction. Le vide me ramène à cette époque. À ce gamin brisé que j'ai été.

Cette femme me revient à l'esprit comme à chaque fois. Elle revenait toujours. Celle que mon père avait engagée alors que je n'avais que treize ans.

Il l'avait fait venir sous prétexte que, en tant qu'héritier, je ne pouvais pas rester « puceau ». Selon lui, cela faisait de moi un faible. Un homme sans couilles. Indigne de porter son nom. Indigne de devenir un jour le chef de la famiglia.

Je n'étais pas consentant. Je n'ai jamais voulu ça. Et je pense qu'elle non plus. Je me souviens encore de la nervosité dans ses gestes, de l'inconfort dans ses yeux. Elle devait avoir dix années de plus que moi.

Malheureusement, je me rappelle encore de chaque détail.

Mon père nous observait. Comme un bourreau.
Il voulait que je lui fasse mal. Que je la prenne avec violence, comme un monstre.

Mais j'ai vu la peur dans ses yeux à elle. Et cette peur m'a figé.

Alors je me suis écarté.

Et pour ça, mon père m'a frappé.
Il m'a privé de nourriture pendant une semaine entière. Un simple fond d'eau par jour, comme si c'était déjà trop.

Bound in AshesTahanan ng mga kuwento. Tumuklas ngayon