Chapitre 10

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- Je suis étonnée de te trouver encore ici. Dit-elle sans même me regarder.

À l'ombre d'un arbre, Caroline est en train de brosser l'épaule luisante d'un grand cheval brun, attaché à la clôture. Je sors tout juste d'un entretien téléphonique avec mon avocat, au sujet de la situation, et je sais désormais qu'il faut que je convainc Caroline d'un arrangement à l'amiable. Une exposition médiatique d'un procès ne serrait pas bon pour les affaires.
Maintenant que je me trouve près de l'animal, qui me paraît beaucoup plus grand que je ne l'imaginais, je ressens une force se dégager d'elle. Elle est si menue, si petite, elle fait si fragile et pourtant elle est capable de maîtriser une telle masse de muscles, qui sentent la merde. Littéralement!

- J'ai appelé mon avocat, répondis-je en croisant son regard une fraction de seconde.

En ce début juin la chaleur est déjà forte, pour cette fin de matinée. La sueur brille sur son front ; elle a assombri le dos de son T-shirt. Caroline déglutit et détourne le regard vers son fils. À une dizaine de mètres, sous l'ombre d'un vieux chêne, le petit garçon surveille sa maman du coin de l'œil. J'ai soudain l'impression d'être un ogre, mais ce petit bonhomme est un Giabiconi, il a des biens qui lui reviennent, je ne peux plus connaître son existence et l'écarter de la vie qu'il aurait pu avoir.
Le soleil est presque à son zénith et me frappe fort sur le crâne. Je m'essuie le front d'un revers de manche et m'avance jusqu'à la lisière de l'ombre, en restant à bonne distance du cheval.

- Tu n'a pas l'air à l'aise dans ce genre d'endroit! Dit-elle, en me portant un petit sourire taquin.
- Ça va.

Elle dit vrai : mais j'ai ravalé une partie de mon orgueil pour descendre jusqu'ici et venir lui parler.
La mine dubitative, Caroline rend son attention au cheval, continuant de le brosser régulièrement à son encolure.

- Il faut que l'on trouve un arrangement amiable, d'après mon avocat.

Je vois la main de Caroline s'arrêter dans son geste comme elle attend la suite. Le bras qui sort de la manche de son T-shirt paraît bien maigre à côté de l'animal, mais son jean usé moule joliment la rondeur de ses fesses.

- ... Je suis prêt à discuter avec toi, mais réfléchis bien à ce que je t'ai dit ce matin. Précisé-je.

Elle reprends brusquement son activité, sans un mot, s'éloignant de moi pour se déplacer le long du cheval et lui nettoyer le ventre avec de grands gestes.
Caroline a de toute évidence apprit a contrôler ses émotions à un certain moment. Mais quand? Depuis notre rupture? À cause de moi?
Son silence ne suscitant aucuns commentaires, j'insiste :

- Pense a ton fils...
- Tu es sérieux? Dit-elle en s'arrêtant pour se tourner face à moi.

La lumière du jour fait ressortir ses cernes sous ses yeux bleus hypnotiques. Avait-elle cette mine épuisée le soir dernier? Je m'en souviendrais sans doute si j'avais été capable de calmer mes ardeurs. Pour le 1er prix de la muflerie c'est réussi.

Bien joué Giabiconi.

Elle ajoute à voix basse :
- Regarde comme il a l'air heureux, il est épanoui ici, près des animaux. Et je te le répète il est hors de question pour moi de t'épouser dans ces conditions.

Comme fâché de ce voir temporairement délaissé, le cheval la bouscule du bout des levres, et Caroline manque de trébucher. Sans même se retourner, elle tend le bras et lui caresse l'encolure.

- Par contre tu ne dois pas tombée amoureuse de moi, Caroline.

Quoi? Non, c'est impossible que tu lui ai lancé ça comme ça.

- Pas que je tombe amoureuse de toi?

Sa voix semble dévastée, je vois qu'elle tente de se ressaisir, elle répète d'un ton haut perché :
- Pas que je tombe amoureuse de toi!
- Je te le répète, Caroline : je ne sais pas faire ses choses-là.
- Mais quoi? Quelles choses? Je ne t'ai rien demandé, moi!

L'empriseOù les histoires vivent. Découvrez maintenant