Chapitre 1 (suite)

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- Viens mon chéri , viens dire bonjour à maman.
Je m' accroupis et ouvre grand les bras, il vient s'y réfugier , mais je le sens le rempart que j'ai eu tant de mal à ériger pendant ces cinq années se fissure à mesure que mon fils grandit.
Les souvenirs m'assaillent de nouveau, une boule dans la gorge me coupe le souffle. Je tente de les refouler mais voilà qu'à la seule vision de mon fils , si magnifique , qui lui ressemble tant et la fragile carapace que je me suis forgée jour après jour, années après années, vient de s'effondrer. Une carapace destinée à me protéger d'un homme. Un seul homme. Est-ce la vue de mon petit ange qui en grandissant lui ressemble de plus en plus , ses épais cheveux brun, ses yeux clairs, si vert, abrité par des cils si longs, ou est-ce parce que aujourd'hui ,en ce matin de mars, cela fait tout juste cinq ans que le drame c'est produit.
Cette date du 26 mars restera gravée à jamais, cinq ans, cinq longues années que je suis veuve. Veuve à vingt-deux ans, c'est à peine croyable, et pourtant chaque jour de mon existence je repense à cette tragique journée , seul l'amour que je porte à James me permet de tenir, magnifique cadeau de mon ancienne vie.
C'est trop, trop d'émotions , trop de fatigue, trop de ressemblances tant est si bien que ce matin je n'arrive pas à m'enlever son visage de derrière le rideau de mes paupières . Je suis épuisée . J'ai les nerfs à fleur de peau.

Il va falloir te ressaisir ma fille.

Ma conscience à raison j'ai encore tellement de choses à faire et cette douloureuse angoisse qui ne me quitte pas depuis ce matin m'empêche de me détendre .
Pour commencer je vais profiter un peu de James, il est en vacances, je veux absolument être présente pour lui. Il est toute ma vie.
Quoi qu'il arrive mon fils passera toujours avant tout. Antoine est partit entraîner les premiers lots de chevaux, je le rejoindrais plus tard.

- Nous allons prendre un bain jeune homme, ensuite nous allons faire un bon repas et cet après-midi tu reviendras avec moi soigner cet adorable petit poulain.

En entrant dans la maison, je me dirige à l'étage. Avant d'entrer dans la salle de bain, je passe devant le bureau, j'observe les photos que je détails une fois encore. Je le fais presque chaque jours, sûre d'éprouver la même satisfaction . James me suit, s'accrochant à son doudou comme un talisman. Sur ce mur s'étale toute l'histoire de la famille Richards depuis trois générations, avec ses hauts et ses bas, ses victoires et des drames.
Le plus ancien des clichés est celui de James Senior, mon grand-père .

Tout en déshabillant James et en le mettant dans son bain je repense à mon grand-père . Homme de cheval et anglais pure souche, James Senior est venu s'établir en France dans les années 60. Il pensait que l'organisation des courses était meilleure de l'autre côté de la manche, et que les gains valaient la peine de s'expatrier.
Installé en Normandie , dans la campagne près de Deauville, sa première écurie comptait à l'époque qu'une vingtaine de boxes où il a logé ses cracks.
En quelques années , la réussite fut au rendez-vous, car non seulement il était un très bon entraîneur de pur-sang, mais surtout il avait le don de dénicher des cracks et de les engager dans la bonne épreuve . Ses résultats, son accent et son flegme britannique attirèrent chez lui de nombreux propriétaires , le contraignant à agrandir sa propriété .
Il fit ajouter une vingtaine de boxes à l'écurie principale, qui en compte depuis ce jour quarante. L'écurie s'articule autour d'une grande cour pavée en U et de la maison, le cœur du domaine, que James transforma en manoir.
En plus de ses chevaux, James avait emmené dans ses bagages sa femme, Karen, et leur fils, John .

John montrait de réelles dispositions pour le métier d'entraîneur et suivait son père comme son ombre sur les pistes ou les champs de courses.
Karen en revanche manifestait une répugnance certaine pour la rude ambiance des écuries, et elle ne s'intéressait aux pur-sang uniquement pour les gains et la vie confortable qu'ils lui offraient à condition de les voir de loin, au fond d'un pré par exemple. Mais elle regrettait surtout son Angleterre natale et finie par sombrer dans la dépression , ce qui la tua.
Malgré tout la vie continua au domaine des Lords. James Senior continuait d'engranger les victoires avec ses chevaux, de plus en plus secondé, voire même devancé par John .

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