BLEU océan #1

19

J'avais dû perdre connaissance, car je ne me souvins pas comment j'avais atterri dans ce lieu qui me sauva.

De l'air. De l'air dans mes poumons ! Encore étourdie, toussant et crachant l'eau qui avait pénétré dans ma bouche et respirant enfin, même douloureusement – encore une fois – je revivais.

Je mis un certain temps à reprendre mes esprits, toujours sous forme de sirène, mais sur un sol sec. Lorsque j'ouvris enfin les yeux, je ne compris pas dans quel lieu je me trouvais. Ça ressemblait à une grotte et... stupeur ! je voyais des poissons nager dans l'eau autour de moi, alors que j'étais au sec. C'était comme si je me trouvais dans un tunnel à l'intérieur d'un aquarium géant. Peut-être que j'étais en train de rêver... ?

Intriguée, je tendis la main vers la paroi transparente la plus proche. Ce n'était pas du verre, comme pour un aquarium, mais bien de l'eau. De l'eau en lévitation! Ma main finit par passer à travers, lorsque j'y mis un peu plus de pression, et se retrouva du côté des poissons, mais le mur d'eau ne bougea pas.

Je retirai ma main et remarquai alors du mouvement de l'autre côté et plissai les yeux pour reconnaître la sirène qui, visiblement, m'avait amenée ici. Elle faisait du sur-place derrière la paroi.

Il y a une légende qui explique ce phénomène, me dit-elle alors par la pensée.

Elle s'approcha et se tint juste de l'autre côté. Son visage était moins sévère que la dernière fois que je l'avais vue, et elle paraissait à la fois soulagée et curieuse. Peut-être m'avait-elle crue morte quelques instants... ?

Il y a des lunes et des lunes de cela, continua-t-elle, toutes les espèces cohabitaient ensemble. Cette poche d'air aurait été créée par un mage pour que les êtres terrestres puissent côtoyer les êtres aquatiques plus facilement. Aujourd'hui, elle est utilisée pour... d'autres pratiques.

La fin avait été hésitante, mais cette histoire de mage me paraissait plausible, vu ce que m'en avait dit rapidement mon père. Il n'en savait pas grand-chose, mais la seule certitude qu'il avait était la forme de magie élémentaire que pratiquent les mages. Il devait s'agi ici d'un mage de l'air, ou de l'eau.

Une chose est sûre, c'est que cette bulle d'air m'a sauvée, répondis-je en soupirant. La surface était trop loin... Tu me crois, maintenant ?

La sirène armée hocha la tête, et sa voix ne fut qu'un murmure dans mes pensées :

Je suis désolée.

Bah, le principal est que je puisse rentrer chez moi, maintenant.

Les quelques secondes de silence qui suivirent m'inquiétèrent un peu.

N'est-ce pas ? insistai-je pour ôter le doute.

Je suis désolée, répéta la sirène en détournant ses yeux orangés. J'avais déjà fait un rapport à la Suvrana avant de croire à ta nature humaine. Tu vas être reçue pour un interrogatoire.

Mais, puisque je ne suis pas une espionne d'un autre royaume, pourquoi... ?

Je le leur ai dit. Mais tu pourrais être envoyée par les humains.

Sans maîtriser vos moyens de communications et passant près de la mort à cause du manque d'air ? Je ferais une piètre espionne ! m'emportai-je devant ces soupçons absurdes.

J'ai essayé. Je suis désolée, dit-elle pour la troisième fois, avant de disparaitre de ma vue.

Super...

J'étais bel et bien prisonnière.

Au fin fond de l'océan. Dans une bulle d'air magique. Sous ma forme de sirène.

Sans même savoir ce qu'était une "Souvrana"... ?