Tea, Coffee or Me ? (2/3)

219 26 70
                                    

F song - Strawberry Guy

Au bord des larmes, je regarde l'heure à ma montre, puis la compare à cette inscrite sur l'ordinateur. 11 h 21. Le briefing était à 11 h 20.

Une minute.

Une putain de minute.

Non, il ne peuvent quand même pas me déprogrammer du vol pour... soixante secondes de retard !

— Tu as fini ? s'enquiert une hôtesse qui attend son tour.

Son regard se fait navré en découvrant mon air hagard et le message cinglant par-dessus mon épaule.

— Oui. Désolée.

Je repars penaude, cherchant des yeux ledit bureau – il pourrait bien s'agir du Département des Mystères, tant je suis perdue. L'hôtesse, qui m'a vraisemblablement pris en pitié, a la gentillesse de m'orienter :

— Tout droit, de l'autre côté du forum. La porte entrouverte juste en face.

J'adresse un sourire reconnaissant à la collègue et accélère dans la direction indiquée.

Devant l'entrée, je m'arrête en percevant la voix d'un homme. Il est en pleine conversation. Comme je n'entends pas l'interlocuteur auquel il s'adresse, je présume qu'il est au téléphone. Et vu comment c'est parti, à narrer le barbecue de la veille avec la belle-famille puis les dernières vacances aux Seychelles, ça risque de s'éterniser...  Me mordant la lèvre, je zieute l'heure à mon poignet avec nervosité. Plus le temps passe, et plus mon retard s'aggrave... Alors, je décide finalement de l'interrompre et frappe quelques faibles coups.

— Je te rappelle tout à l'heure. J'ai de la visite. Ouais, comme tu dis... (J'entends qu'il raccroche le combiné.) Entrez, m'enjoint-il ensuite d'un ton désabusé.

Le ventre noué, je me glisse dans le bureau, ma valise chuintant derrière moi. Couic couic.

— En quoi puis-je t'aider ?

La voix colle tout à fait au personnage. Il n'a même pas levé les yeux de ses dossiers, qu'il continue de trier en plusieurs piles tandis que j'explique :

— Je suis en retard et...

— Ça arrive, admet-il, sans pourtant me donner l'impression de m'écouter ni d'en avoir quelque chose à faire.

Il commence à taper sur le clavier de son ordinateur en soupirant :

— Je vais devoir te mettre en réserve...

Non, fort heureusement, ce type en col blanc ne compte par me séquestrer dans une espèce d'arrière-boutique pour me soumettre à des sévices.  Par « réserve », il entend « astreinte ». Au cas où une hôtesse ou un steward manquerait à l'appel. Chaque année, nous sommes supposés passer cinq semaines en réserve. Je n'en ai pas encore fait une seule. Et au rythme où ça va, je risque d'être virée avant que ça n'arrive...

— Surtout pas ! me récrié-je alors. Je ne peux pas prendre d'autre rotation !

Le type daigne enfin quitter des yeux son écran. Il fait glisser sa chaise à roulettes sur le côté pour m'étudier.

— Je ne suis pas sûr de comprendre... Tu veux poser une journée de sans solde ? Une journée Joker ?

Plus rien à perdre, je m'avance et plante mon regard désespéré dans le sien, priant pour qu'il saisisse la criticité de la situation.

— C'est mon vol d'instruction, je ne peux pas le rater ! Je suis en période d'essai, ce serait...

— Dramatique, achève-t-il à ma place. Oui, je vois.

Ciel, Amour et TurbulencesUnde poveștirile trăiesc. Descoperă acum