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Le pianotage du clavier d'ordinateur stoppa net et la tête ronde de Rémy refit surface :

― Toi non plus, tu ne me crois pas, hein ? Très bien !

Il ferma d'un coup sec son ordinateur pour nous regarder à tour de rôle dans les yeux, d'un air de défi. Je dus me retenir de sourire et Elya m'envoya un coup de coude pour que je me tienne tranquille. Sans remarquer notre manège, Rémy continua avec bravade, de sa petite voix qui visiblement n'avait pas mué :

― Sache que l'étude approfondie des recherches de mon grand-père m'ont mené bien plus loin que lui à l'époque. Il avait en sa possession un nombre incalculable de témoignages en tous genres, de photos, de vidéos, mais tout était en désordre et inexploitable. Aujourd'hui, avec un tri et des méthodes de comparaison grâce à ça (il montra son ordinateur fermé), le doute n'est plus permis. Elles existent et je vais le prouver au monde entier !

― Qu'est-ce qui existe ? demandai-je alors, curieuse, voyant qu'il était très sérieux.

― Les fées !

J'en restai coite, la bouche entre-ouverte, sans savoir quoi répondre, alors qu'il reprenait son engin informatique sans un mot de plus, après nous avoir lancé un dernier regard noir. Et il disparut de nouveau.

Je me penchai vers mon amie en chuchotant :

― Il est sérieux ?

― Oui. Très. En plus, elles existent bel et bien, me répondit-elle de la même manière.

― Hein ? Mais alors... ?

Elle n'avait pas l'air de me raconter des blagues et, depuis ma transformation en sirène, plus rien de m'étonnait !

― Aucun risque qu'il les trouve, me coupa-t-elle. Elles sont bien trop malignes pour ça. Et ce depuis des siècles et des siècles. Elles ont des capacités qu'il est loin d'imaginer.

Ce n'était pas tellement le lieu pour parler de ce genre de chose, aussi décidai-je de changer de sujet et montrai l'ordinateur d'un coup de menton :

― Vous vous connaissez depuis longtemps ?

― On s'est rencontrés l'année dernière. On était tous les deux tous seuls, alors on a décidé de trainer ensemble. Mais ne va pas de faire d'idée, hein. On est juste amis. De toute façon, il a toujours le nez dans ses recherches. Mais c'est toujours mieux que d'être seuls.

Elya avait rougi à l'idée que je puisse les penser en couple, et je trouvais ça super mignon.

Pendant les jours et les semaines suivantes, j'appris à connaître un peu mieux mes nouveaux amis et me sentais plutôt bien en leur compagnie. Rémy avait l'air de progresser dans ces recherches et nous parlait souvent de son avancée. Chaque jour, il nous affirmait approcher du but et, sur les conseils d'Elya, je le laissai parler sans le contrarier.

Cependant, un premier incident "sirénien" arriva alors que je ne m'y attendais pas, me rappelant à l'ordre.

Je me méfiais des plages depuis que je risquais de me transformer en sirène si je tombais dans l'eau (ou si on m'y poussait...) et me promenais plus volontiers sur les sentiers côtiers. Mais j'avais quand même fait quelques tours discrets dans l'océan et appréciais de plus en plus le fait de pouvoir littéralement nager comme un poisson et explorer les fonds marins.

Je ne pensais pas qu'une transformation pouvait être possible loin de la mer, mais je me trompais.

Ce jour-là, une vague de chaleur tardive durait depuis trois jours et Elya et moi étions installées sur une des tables de la terrasse du bar. Une boisson fraiche en main, nous tentions tant bien que mal de supporter cette mini canicule étouffante qui semblait ne pas vouloir laisser place à l'automne.

Et ce qui devait arriver arriva.

BLEU océan #1Où les histoires vivent. Découvrez maintenant