Chapitre 140 : Les mœurs musicales de l'autre monde

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 Après avoir levé le camp, le groupe se remit en route pour rejoindre l'île du déchu. Pendant qu'ils arpentaient la forêt, Élane montrait tout son intérêt pour la musique. Après avoir entendu Syara, il voulait tout connaître de sa pratique dans l'autre monde. Dans ces questions, il ne s'intéressait que très peu à la partie magique, mais se focalisait sur l'aspect purement musical.

Où avait-elle appris ? Était-ce courant chez eux de se lancer dans des improvisations aussi élaborées ? Les musiciens étaient-ils tous aussi doués ? Le violon et la harpe étaient-ils les seuls instruments qu'elle maîtrisait où y en avait-il d'autres ? Tout le monde chez eux savait-il jouer d'au moins un instrument ?

Si Syara était amusée par toutes ces questions et répondait avec joie à cette personne qui s'intéressait à sa plus grande passion, elle avait tout de même du mal à suivre le rythme et lui demanda plusieurs fois de ralentir et d'au moins attendre qu'elle ait fini de répondre pour poser la suivante.

— Je n'ai jamais essayé moi-même de me mettre à un instrument, mais cela doit demander de la patience et être vraiment frustrant au départ, non ?

— Frustrant ? Répéta Syara.

— Il m'est arrivé d'imaginer des mélodies, mais sans ce savoir, il m'était impossible de les retranscrire. Pour quelqu'un qui débute, je n'ose imaginer la frustration que ce doit être de savoir assez manier un instrument pour en sortir des sons à peu près correct, mais de ne pas avoir assez d'expérience pour reproduire la mélodie qu'on a dans la tête.

— Ça l'est, confirma la violoniste qui avait perdu de nombreuses mélodies de cette manière. Tant que l'on n'a pas appris à écrire des partitions, tout ce qu'on peut avoir en tête est susceptible de ne plus être entendu. Je serai par exemple incapable de rejouer la mélodie de tout à l'heure à l'identique.

— C'est dommage !

— Mais c'est aussi ça la beauté de l'improvisation. Créer des moments uniques selon l'inspiration du moment. Ça n'est pas un exercice à la portée de tout le monde, loin de là, mais en tant que mage-musicienne, j'ai fini par préférer ces morceaux uniques plutôt que d'apprendre des partitions, même s'il m'arrive encore d'en écrire. Après, tu parlais de frustration. Pour moi, l'une de mes plus grandes frustrations a été de voir ma sœur s'asseoir devant un instrument qu'elle n'avait jamais touché et y jouer avec un niveau qui m'avait demandé du temps, de l'énergie et de la persévérance pour l'atteindre.

Étant plus que surprise d'être ainsi ciblée par cette remarque, Elyazra prit un instant pour trouver à quoi elle faisait référence. Après quelques secondes de réflexion, elle se rappela de leur toute première rencontre et de ce qu'elle avait fait avec les instruments mis à disposition dans le bar où elles s'étaient installées.

— Ça va, c'est un piano, ça n'est que de la logique !

— Non Ely, non, ça n'est pas que de la logique, souffla sa sœur, désespérée.

— J'avoue ne pas comprendre ce qu'il y a de frustrant là-dedans.

— J'imagine que tu t'es beaucoup entraîné à l'épée vu l'arme que tu as. Imagine que quelqu'un arrive sans même savoir en tenir une convenablement et, après quelques moulinets, devient aussi bon voir meilleur que toi. Une partie de toi va être impressionnée par un tel don, mais une autre va être frustrée qu'un inconnu arrive ne un instant ce que tu as mis des heures et des heures à apprendre.

— J'admets qu'une partie de moi serai effectivement frustrée.

— Au moins, elle n'a pas fait ça avec un violon qui est ton instrument de prédilection, commenta Orélius.

— J'ai bien essayé une fois, mais quand j'ai voulu sortir une note, ça a fait un son horrible et j'en ai eu mal aux oreilles et aux dents pendant des heures, frissonna la demie-dragonne. Je ne sais pas par quelle magie tu arrives à sortir des mélodies aussi harmonieuses avec cet instrument du mal !

— Par la pratique, encore, encore et encore. Ayant la même sensibilité aux sons que toi, je peux t'assurer que la douleur d'une mauvaise note est un parfait prétexte pour éviter d'en faire.

Si elle en parlait aujourd'hui en riant, la beast se rappelait aussi de ses débuts difficiles où chaque coup d'archet était un supplice. Entre elle et la pratique du violon, l'histoire n'avait pas toujours été toute rose, mais elle était fière de s'être accrochée et d'avoir persévéré dans cette voie là où de nombreux enfants de son âge à l'époque avaient fini par abandonner cet instrument.

— Et donc, dans votre monde tout le monde sait-il jouer d'un instrument ?

— Il y a beaucoup de monde, mais la plupart jouent en amateurs, comme un simple passe-temps.

— En ce qui nous concerne, Syara est une violoniste de génie et une grande musicienne avec la plupart des instruments, moi je touche un peu à quelques-uns par-ci, par-là, répondit Elyazra.

— Je suis comme Elyazra, mais avec un peu plus d'expérience, ajouta Elirielle.

— Moi je ne m'y suis jamais essayé, réfléchit Orélius.

— Et moi je chante ! Finit Phi avec un large sourire.

En entendant ça, les deux sœurs eurent la même réaction. Elles détournèrent leur visage de la fée et portèrent leur main à la bouche pour pouffer de rire le plus discrètement possible. Il arrivait effectivement que Phi chante, ça oui, mais juste, ça, c'était une tout autre histoire. Rael, en tant que mage-chanteur, avait bien essayé de lui donner des conseils, mais les résultats n'avaient malheureusement pas été à la hauteur des efforts.

— J'aimerais beaucoup entendre une chanson de votre monde ! S'enthousiasma l'ange.

— Oh oui... Nous aussi... On a hâte d'entendre ça ! Peina à répondre la demie-dragonne dont les larmes commençaient à lui monter aux yeux alors qu'elle se retenait toujours de rire.

— Il faudra malheureusement reporter la séance découverte de chansons d'un autre monde, annonça Elirielle. Regardez !

Suivant la direction qu'elle pointait, le groupe aperçut entre deux arbres une partie de structure en pierre. Lorsqu'il s'approcha, le groupe vit plus distinctement ce dont il s'agissait. Un anneau de portail. Ils étaient arrivés à l'autre bout de l'île. La suivante était donc celle où habitait le déchu.

Le violon de cristal : l'autre mondeWhere stories live. Discover now