Chapitre 30 : L'enfant, la foule et le monstre

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 Après avoir inspecté les blessures du garçon et s'être assurée qu'il n'était pas mort sur le coup à cause de sa chute, Cristal invoqua son violon et commença à jouer une mélodie douce et apaisante. Les sorts de soin n'étaient pas sa spécialité pour la simple et bonne raison qu'il fallait un blessé pour les pratiquer et voir s'ils étaient réellement efficaces. Vu qu'elle n'était pas du genre à s'entailler la chair consciemment pour les tester, les occasions étaient rares.

Cependant, dans ce cas précis, le sort sembla fonctionner. Que ce soit son arcade ouverte à cause du jet de pierre ou les plaies et contusions du garçon, leurs maux se résorbèrent rapidement. Malgré tout, le choc qu'il avait reçu à la tête l'avait rendu inconscient et ça, elle ne pouvait rien y faire avec sa magie.

Un instant, Cristal eut l'idée de lui plonger la tête dans la fontaine. Peut-être que le choc avec l'eau froide allait le réveiller. Elle se résigna malgré tout à ne pas le faire à cause des autres enfants qui s'étaient enfuis. Si leurs parents étaient à proximité et arrivaient au mauvais moment au secours de cette innocence incarnée, ils pourraient croire qu'en plus de l'avoir blessé elle voulait le noyer.

— Tu ne me facilites vraiment pas les choses, souffla-t-elle en rangeant son instrument.

Après l'avoir chargé sur son dos, Cristal partit de la carrière par le chemin qui remontait vers sa maison. Là encore, les choses avaient bien changé entre l'époque où elle était princesse de la famille royale et ce jour. Lorsqu'elle était au palais de son père, les objets les plus lourds qu'elle portait étaient des livres et, la plupart du temps, si elle devait les transporter d'une pièce à l'autre plutôt que d'une étagère à la table d'à côté, ses servants s'en occupaient à sa place.

La vie en autonomie était bien différente et demandait bien plus d'efforts. Heureusement qu'elle avait sa magie pour faciliter les choses. Une fois maîtrisée, elle lui avait permis d'améliorer son quotidien en faisant des travaux dans la cabane qui lui servait au départ de maison. Les bains à l'eau gelée de la rivière étaient une histoire passée depuis longtemps, mais la magie ne faisait pas tout et elle devait souvent se salir les mains.

Une fois remontée, Cristal approcha de sa maison. Mélyne était installée sur une chaise à l'extérieur, sa harpe dans les mains. De tous ceux de la résistance qui avaient réussi à invoquer leur instrument de l'âme, elle était celle qui s'en sortait le mieux. En tant qu'ancienne servante d'une princesse de la famille royale, elle avait pour avantage, comparée aux autres, d'avoir assisté à tous les cours de Cristal.

— Je ne m'attendais pas à te voir rentrer si tôt. Mais... Qui est cet enfant ?

— Des problèmes, répondit l'elfe. Lui et ses amis sont venus me jeter des pierres, mais il a glissé et est tombé d'assez haut. Ses amis se sont enfuis, sans doute pour aller prévenir leurs parents. De mon côté, je l'ai soigné, mais il reste inconscient donc j'ai préféré le ramener ici pour l'allonger.

— On va donc avoir de la visite, résuma la démone.

— Ça ne m'étonnerait pas que les enfants soient allés raconter que c'est moi qui l'ai fait tomber. Ils risquent d'être en colère.

— Rentre l'allonger comme tu avais prévu, je m'occupe d'eux.

Après un hochement de tête, Cristal entra dans la maison tandis que Mélyne reprenait sa mélodie là où elle l'avait arrêtée. Comme elle l'avait prévu, les adultes ne tardèrent pas à arriver. Ça n'était pas juste deux ou trois couples, mais une véritable foule en colère. De ce qu'elle pouvait voir à travers la fenêtre, ils étaient tous armés avec ce qu'ils avaient sous la main, au mieux des outils agricoles. Aucun d'eux ne semblait être un musicien, c'était déjà ça de gagné.

— Où est le monstre ? Où est celle qui s'en est prise à nos enfants ? Tonna un satyre en tête de groupe.

— Un monstre qui s'en est pris à des enfants, réfléchit calmement Mélyne. Je ne vois pas de quoi vous voulez parler.

— Ne joue pas à ce jeu ! Où est-ce que tu caches cette maudite elfe qui ne fait que nous causer des problèmes ?!

— Cacher ? Je ne cache personne. Si vous parlez de Cristal, tout le monde sait qu'elle habite ici. C'est d'ailleurs pour ça que vous êtes là. Parce que vous pensez l'y trouver.

— Et elle est là ?

— Vous rentrez des champs pour avoir autant d'outils sur vous ? Parce que si ça n'est pas le cas, ça veut dire que vous êtes allés les chercher exprès avant de venir et ça ne me donne pas vraiment envie de répondre à vos questions.

— Elle a tué un enfant ! Ragea une démone.

Même si elle pouvait laisser Mélyne s'en occuper, Cristal savait qu'ils ne partiraient pas avant d'avoir eu ce qu'ils voulaient. Mieux valait en finir au plus vite pour qu'ils repartent, mais convaincre une telle foule était impossible. Malgré tout, elle avait une idée pour désamorcer les choses et ouvrit donc la porte pour leur faire face.

— Elle est là !

— Les parents de l'enfant, où sont-ils ? Demanda-t-elle avec un ton impérieux.

— Tu as tué notre fils, ragea un homme qui tenait une femme en pleurs dans ses bras.

C'étaient donc eux. Sans montrer la moindre émotion, Cristal invoqua son instrument, faisant reculer la foule d'un pas et eut pour effet qu'elle se mette sur ses gardes. Nullement impressionnée, la violoniste joua quelques notes qui englobèrent sa maison dans une bulle protectrice, puis changea de mélodie et de rythme.

Ce second sort eut pour effet de transporter les deux parents à l'intérieur de la protection, les séparant ainsi de la foule en colère. Ceux restés à l'extérieur pensaient sans doute qu'elle allait leur faire du mal et commencèrent à frapper sur la bulle protectrice. Pour l'avoir testé elle-même, Cristal savait qu'ils n'arriveraient à rien avec leurs poings et leurs outils. S'en était presque amusant.

— Suivez-moi, indiqua-t-elle en entrant dans la maison.

La mère était toujours inconsolable et le père sur les nerfs, prêt à lui bondir dessus. Il lui obéit malgré tout et changea totalement d'attitude lorsqu'il aperçut son garçon allongé sur un lit.

— Guomeur ! s'exclamèrent les parents en se portant à son chevet.

— Je me doute de ce que les autres enfants ont raconté, mais je n'y suis pour rien dans sa chute. Je l'ai soigné et ramené ici pour qu'il soit en sécurité. Ça n'est pas pour rien que la carrière est interdite. Lorsque j'y suis, j'y teste des sorts qui peuvent blesser les gens et, quand je n'y suis pas, l'endroit reste quand même dangereux vu que le sol est sans cesse fragilisé. Votre fils s'est approché de la corniche et elle s'est dérobée sous ses pieds. Voilà la vérité.

— Alors il est...

— Juste inconscient. Vous pouvez le récupérer ou le laisser là le temps qu'il se réveille. Cependant, j'aurai une faveur à vous demander. Qu'il me traite de monstre, je m'en fiche, c'est ainsi que la moitié de la ville m'appelle. Cependant, pour leur propre sécurité, dites à vos enfants de ne pas approcher de la carrière. Croyez-moi, il a eu beaucoup de chance que mes exercices du jour soient sur la précision de mes sorts et non sur leur puissance.

— Ils... Ils ne te dérangeront plus, bafouilla l'homme.

— Bien ! À présent que le malentendu a été dissipé, si l'un de vous peut aller calmer vos amis à l'extérieur avant qu'ils ne...

Avant qu'elle n'ait pu terminer sa phrase, une gigantesque explosion se fit entendre, suivie d'une forte secousse. Ils avaient donc bel et bien un mage avec eux ? Non, le bruit venait de bien trop loin. Prise d'un sérieux doute doublé d'un mauvais pressentiment, Cristal se rendit à l'une des fenêtres et observa l'extérieur.

Ça n'était pas la foule qui avait provoqué ça. La voûte avait été percée à l'extrémité opposée de la ville. Soit cet effondrement était naturel, soit l'existence de cette ville avait fuité chez les elfes. Dans les deux cas, ils auraient sans doute besoin d'elle là-bas vu que d'énormes rochers s'étaient effondrés sur un quartier peuplé.

Le violon de cristal : l'autre mondeOnde histórias criam vida. Descubra agora