BLEU océan #1

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Le soir venu, je me préparai à rejoindre le groupe de jeunes en enfilant un sweat car la température baissait facilement en soirée. Ma chevelure épaisse fut rapidement domptée en une queue de cheval, et je mis mes chaussures de toiles légères pour être plus à l'aise pour marcher qu'avec mes tongs.

Le port n'était pas très loin après le bar, je m'y rendis facilement, à la fois heureuse, fière de moi, et pleine d'appréhension. Est-ce que j'allais être acceptée par le groupe ? Les filles étaient-elles sympas ?

Je ne mis pas longtemps à les repérer tant ils riaient fort. Ils s'étaient installés au bout d'un ponton de bois entre les bateaux amarrés. Il y avait des bouteilles de bière, des chips, des boîtes de pizza, une station de radio qui émettait des basses en sourdine. Ils ne m'avaient pas vue, j'hésitai encore un peu.

― Je serais toi, j'éviterais... fit une voix tout près de moi, me faisant soudain sursauter.

Je me retournai pour voir une fille juste derrière moi. Sa tignasse épaisse et rousse ondula sous le clair de la pleine lune quand elle me montra le groupe d'un coup de menton. Elle ouvrit la bouche pour ajouter quelque chose, mais fut coupée :

― Hééé ! Mais c'est la nouvelle ! Alors, tu viens ?

Mon regard passa de la rouquine au groupe plusieurs fois, puis je me décidai à y aller. Je n'allais tout de même pas baisser les bras si près du but ! Je me retournai une dernière fois pour voir ce qu'en pensait l'inconnue qui avait essayé de m'arrêter, mais elle avait disparu dans la pénombre. Je haussai les épaules et m'installai dans le cercle bruyant, pas très à l'aise.

Une des filles me demanda mon prénom et mon âge, une autre complimenta mon sweat qui était pourtant assez banal, mais l'attention retourna vite sur le garçon qui m'avait invitée. Il s'appelait Logan et, avec son charme indéniable, semblait être le chef. Il passait son temps à faire rire tout le monde avec ses pitreries plus ou moins drôles.

Plusieurs minutes passèrent, j'avais du mal à suivre et commençais à regretter ma venue. J'avais pensé qu'on allait s'intéresser un minimum à moi, mais ce n'était visiblement pas le cas.

Le son montait peu à peu et le volume de la radio avec. Un des plaisanciers vivant sur son bateau amarré juste à côté râla plusieurs fois à cause du tapage nocturne, mais en vain. Alors que les jeunes l'ignoraient royalement, je l'entendis crier à quelqu'un à l'intérieur du bateau qu'ils allaient partir.

J'étais perdue dans mes pensées, faisant abstraction du bruit et fixant les vaguelettes qui venaient clapoter régulièrement contre le ponton, lorsqu'on m'appela et me bouscula.

Tout le monde me regardait et le chef de la bande me montrait du doigt :

― Les gars ! La nouvelle n'a pas voulu plonger avec nous l'autre jour, qu'est-ce que vous dites si on la fait sauter maintenant ?

Des cris et de rires répondirent à cette idée, alors que je me levai précipitamment, soudain affolée. D'une petite voix, je commençai à protester :

― C'est pas une bonne idée, je suis habillée, il fait nuit, l'eau est froide...

― Oh ! la poule mouillée ! me coupa Logan. La poule mouillée !

De nouveau, les rires gras accueillirent le trait d'humour du chef, et tout le monde reprit ses mots me traitant de poule mouillée.

Le beau garçon rencontré au bar n'était plus du tout charmant, un rictus de folie déformant ses traits mis en valeur par la grosse torche qui éclairait la scène.

La peur me dicta de fuir devant cet attroupement de jeunes qui, visiblement, avaient maintenant un peu trop bu. Je tentai de me faufiler vers la terre ferme, mais on attrapa mes vêtements, on me bouscula, je vis l'eau sombre se rapprocher dangereusement, mais je ne pus rien faire. Ils étaient trop nombreux et mes protestations ne servaient à rien.

Dans un grand plouf, je me retrouvai soudain dans l'eau glacée.