Chapitre 1

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Tout a commencé il y a deux ans lorsqu'un matin de juin, un gars qui promenait son chien le long du sentier côtier, près de la Flotte en Ré, a découvert la première.

Enfin, plus exactement, c'est le chien qui l'a d'abord trouvée.

L'animal s'était subitement arrêté de fureter partout et s'obstinait à flairer un tas de branchages, refusant de suivre son maître. Celui-ci, intrigué par cette désobéissance inhabituelle, s'était alors approché pour le tirer au collier.

Il a tout de suite vu ce qui avait arrêté l'épagneul : c'était une chaussure de tennis, vous savez ces petites tennis blanches en toile qui ne servent plus à jouer au tennis depuis des lustres. Elle était toute sale, à demi enfouie sous un amas d'aiguilles de pin.

Il en faut quand même peu pour intéresser un clébard, hein...

Le problème, c'est qu'en y regardant mieux, dans la tennis il y avait un pied, qu'au bout du pied il y avait une jambe, et qu'au bout de la jambe il y avait une fille morte.

Le gars, sans doute pris par la panique au point d'en oublier qu'il avait un portable, avait alors rattaché le chien en laisse et couru ventre à terre à la gendarmerie de la Flotte.

D'après le journal, que je résume, les flics, guidés par le promeneur de chien, étaient sur les lieux un peu avant midi pour constater que le mec avait dit vrai, que la fille était tout ce qu'il y avait de plus morte et que ça faisait même sûrement un moment, à en juger par l'odeur et tout ce qui grouillait sur elle.

La brigade de la Flotte, sûrement dépassée par les évènements - là je ne résume plus, je présume -, avait immédiatement saisi la PJ de la Rochelle non sans avoir piétiné partout autour du corps, dégagé les branchages sans aucune précaution, laissé des curieux s'approcher trop près... bref, du travail d'agents dont l'ordinaire se résume à l'ordinaire.

Mais comment le leur reprocher puisqu'on ne tue jamais personne dans l'Ile ?

Je dis « tuer » parce qu'on a appris ensuite par les médias que la fille avait été assassinée. Remarquez, ça n'avait rien d'étonnant comme information car il est rare qu'une nana de 18 ans vienne mourir toute seule sur un chemin côtier en prenant soin de se recouvrir de branches et d'aiguilles de pin...

Elle avait reçu sur le sommet de la tête un coup, apparemment très violent, de ce qui pouvait être un piolet, un pied de biche, un outil pour jardiner, enfin quelque chose de lourd et de pointu. Elle avait aussi très probablement été violée, ce que laissait présager le corps partiellement dénudé, mais le légiste n'était pas formel à cause de son état.

On l'avait identifiée grâce à ses vêtements, à son téléphone et à une bague singulière qu'elle portait encore : Marina L., une habitante de l'Ile assez marginale dont on n'avait pas signalé la disparition, sans doute parce qu'elle s'absentait épisodiquement sur le continent, parfois plusieurs semaines, sans rien dire à personne.

On n'en savait guère plus.

Certains ont dit que l'année précédente, on ne l'avait plus vue pendant plusieurs semaines avant qu'elle ne soit arrêtée par la police aux Francofolies en compagnie d'une bande de camés.

Drôle de truc en tout cas.

Je me souviens des réflexions des habitants, à l'époque : « Quel est le salaud qui a pu faire ça ! Et en plus, juste avant la saison, tu parles d'une pub, etc... ».

Bon, moi je m'en foutais un peu de la saison, je ne vis pas de l'argent des touristes, je suis retraité.

Mais les commerçants sont ainsi, Ré la Blanche, faut pas de tache sur la nappe.

Ils allaient être servis...

Série noire sur Ré la BlancheOù les histoires vivent. Découvrez maintenant