La paix, oui la paix

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- Soyez raisonnable Henry, vous savez que tout ça va mal finir. Je suis vraiment désolé d'avoir vomi mais vous ne pouvez pas me séquestrer pour ça. Ni parce que je suis avec un garçon. Ca n'a aucun sens et ça ne va nous mener nul part. Comment vous pouvez vous mettre dans une situation pareil, juste à cause de moi. Et, si vous voulez savoir, je ne suis même pas vraiment gay, je sors avec Jonathan mais, c'est depuis moins d'une semaine. Je découvre à peine tout ça et je suis peut-être terrifié autant que vous par ce qui m'arrive.

- Arrête tes conneries.

- Et moi, je vous demande d'arrêter les vôtres. Dans tous les cas, vous vous faites du mal. Si vous tirez, je serai celui qui s'en sort le mieux, d'une certaine manière. Une fois mort, je ne ressentirai plus rien alors que vous, vous serez arrêté, votre famille sera harcelée par les médias, par l'opinion publique qui sera de mon côté, vous croupirez en prison, votre visage, votre bar, le village, tout ça sera brûlé sur la place médiatique. Votre vie sera un enfer. Si vous me détestez à ce point, vous ne pouvez pas me laisser vous créer autant de problèmes. Alors que, si vous me laissez partir, vous retrouvez votre vie normale. Je veux bien qu'on en reste là, qu'il n'y ait pas de suites à ce soir.

Mes yeux sont plongés dans ceux plein de haine de mon opposant. Il ne me répond pas mais je vois une larme poindre et se préparer à couler. Je me demande si...

- Votre fils ? C'est ça ? Vous avez un fils... et il vous a avoué quelque chose ?

- Ta gueule, tu sais rien de nous.

Dans le mille.

- Vous n'y êtes pour rien Henry et lui non plus. C'est la vie. Et on a jamais dit que la vie était facile. Vous le savez, avec votre bar dans ce petit village, que les choses ne vont pas toujours comme on le voudrait. C'est pareil pour les sentiments. On se réveille un jour et on aime. Pas de bol, c'est pas de la manière qu'on aurait voulu. Ça reste votre fils, il vous aime et, au fond de vous, vous l'aimez toujours pareil. 

Il ne me répond toujours pas mais, il me laisse lui parler cette fois.

- Mon ami est derrière votre volet métallique, il s'inquiète pour moi. Je suppose qu'il va appeler les secours si ce n'est déjà fait. Si vous baissez votre arme, on peut, peut-être, encore annuler cet appel ou expliquer que c'était un malentendu. En fait, vous pointez votre carabine sur moi mais ça ne résoudra pas votre problème initial, ça ne rendra pas votre fils hétéro, ça n'éradiquera pas l'homosexualité. Vous voulez un scoop ? Vous pourrez faire ce que vous voulez, un jour, il trouvera le grand amour et s'il ne peut pas compter sur vous dans sa vie, vous n'en ferez plus partie. C'est ça que vous voulez ? Finir en prison et ne jamais plus revoir votre fils le jour où il comprendra que l'amour de son père a disparu. Ce jour-là, c'est son amour pour vous qui s'éteindra pour de bon.

Henry me fixe, son regard méchant s'est mué en tristesse. Je crois en mon discours, je crois en la possibilité de régler ça pacifiquement. C'est un homme blessé dans son amour propre que j'ai en face de moi. Quelqu'un qui est victime de son éducation, de sa religion peut-être, quelqu'un d'enfermé dans un monde rétrograde mais où il se sentait en sécurité.

Un jeune homme apparaît derrière lui. Serait-ce son fils ?

- Papa, arrête ça maintenant. J'ai entendu ce qu'il vient de dire. Baisse ton arme. Viens me mettre une baffe si tu veux, traite-moi de tous les noms mais, pour l'amour de Dieu, baisse ton arme !

Henry commence à fléchir, je vois son doigt glisser et quitter la détente où il était posé jusqu'à présent. Il se détend un peu puis se fige à nouveau, relève l'arme vers moi puis lache un cri de désolation. Il baisse finalement le fusil et pleure bruyamment dans son bras gauche. Je jette un regard à son fils, j'y lis du soulagement et de la tristesse.

Fin de soirée pour amitié naissante.Where stories live. Discover now