Against the clocks

Chapitre 1 - Julian

Du plus loin que je me souvienne, j'ai toujours voulu être pilote de Formule 1. C'était une évidence pour moi. Je ne pouvais pas faire autre chose de ma vie. Il n'y avait aucune autre issue. Aucun autre métier que je voulais faire. La course et la vitesse coulent dans mes veines depuis ma plus tendre enfance. Pilote de course, mon père m'a permis de vivre sa passion à ses côtés et j'ai, très vite, pu suivre ses pas et ceux de mes deux grands frères qui ont toujours su se montrer particulièrement encourageants, bien qu'ayant leur propre aspiration et leurs propres chemins à suivre.

Konrad a suivi, sans l'ombre d'une hésitation, la même carrière que notre père pour rejoindre les monoplaces d'une grille de F1. Joshua, lui, s'est dirigé vers les deux roues, espérant rejoindre la catégorie reine de Moto GP. Et il a fini par réaliser son rêve. Ils y sont tous les deux parvenus, tout comme moi, qui effleure le mien du bout des doigts, m'apprêtant à courir ma toute première course, aux côtés de l'aîné de notre fratrie.

Et si le stress est plus que présent en moi, l'excitation a un grand rôle dans mon organisme. J'ai beau être entouré de toute ma famille, je n'arrive pas à réaliser que ça y est. Que sous les couleurs Campbell's, je vais débuter, enfin, ma carrière parmi les vingt plus grands pilotes du moment. Je fais dorénavant partie de l'élite, au même titre que Josh en moto ou Konrad, qui sera dans une équipe adverse de la mienne. Je sais qu'il est déçu qu'on ne pilote pas ensemble, pourtant, il était le premier ravi quand j'ai signé mon contrat. Il est le premier à m'avoir félicité. Il a juste du mal à accepter l'idée que nous allons être des concurrents.

— Tu te souviens de ce qu'on a dit ? Tu ne te mets pas la pression. C'est ton tout premier week-end de course et on ne veut pas qu'il t'arrive quelque chose. On a besoin que tu sois prudent et que tu restes sur tes gardes. Ne te précipites pas. Et si tu as le moindre doute ou le moindre problème, mon garage n'est pas loin. Et on est dans le même hôtel. Je serais avec toi à chaque pas. Papa aussi.

Je me tourne vers l'homme que mon aîné vient de mentionner. Nous sommes arrivés sur les paddocks depuis quelques minutes et il est déjà rentré dans son mode Directeur d'écurie. Que nous soyons ses enfants n'importent plus autant. Parce que même si nous avons le même sang que lui, aucun de nous ne court sous les couleurs Kilmer Racing. Il n'a jamais voulu faire signer le moindre contrat à l'un d'entre nous. Que ce soit mon aîné en catégorie reine ou moi en Academy : nous n'avons pas eu de passe-droits. Il a fallu qu'on se batte pour avoir des sponsors et convaincre les équipes. Il nous aidait, bien évidemment, dans nos démarches, mais il ne nous a jamais promis de place dans son équipe. Le favoritisme ne fait pas partie de ses convictions et c'est un mal pour un bien. Dès notre plus jeune âge, nous avons toujours su qu'on devrait se débrouiller quand on serait plus grand. Il n'a jamais été question de faveur ou de piston.

— Papa ?

Je me tourne vers Mats qui tend les bras. Ma sœur me sourit, désolée, alors que je cale mon petit bout de dix-huit mois contre mon torse. Il sourit et pose sa tête sur mon épaule alors que mon frère m'indique qu'il doit y aller. Je sais qu'il doit rejoindre son équipe et que je devrais rejoindre la mienne, mais mon coeur bat la chamade. Notre paternel arrive à notre hauteur, détaillant nos tenues - bleu ciel pour mon frère et violet pour moi - en souriant, fier de nous. L'angoisse m'étreint la gorge, mais je parviens tout de même à prononcer :

— Pap's ?

Il me fait un faible sourire et je sais qu'il doit rejoindre Paul et Marcus, les pilotes de son équipe. Si l'australien a débarqué comme un boulet de canon, il y a quelques années, l'américain a eu plus de chance. D'un talent fou, il est surtout le meilleur ami de Konrad. Et je sais que c'est pour ça qu'il a une place. Aucune équipe ne voulait de lui à cause de quelques problèmes de comportement et mon père lui a tendu la main, ce dont il avait vraiment besoin à l'époque. Quand il a débarqué chez Kilmer Racing, il a réussi à reprendre pied et à récupérer le contrôle sur sa vie qu'il avait perdu en étant loin de tous ses repères et surtout isolé de sa famille.