Chapitre 3

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        Une fois encore, Léolio l'avait arraché aux griffes de la mort.

Mais cette fois-ci, il n'en ressortira pas indemne.

Avachi sur un banc, le Hunter réajuste ses lunettes, une cigarette entre ses lèvres. Un pli nerveux déforme son front, il se demande s'il n'aurait pas mieux fait de le laisser partir. 

De l'abandonner à son propre sort, suffoquant, à demi noyé dans cette eau rutilante.

Il a un haut-le-cœur. Il se dégoute, il se hait de penser ainsi. Que serait-il arrivé s'il ne l'avait pas retrouvé à temps ?

La réponse est évidente.

Des semaines ont passé depuis l'arrestation de Pariston. Dans la foulée, l'expédition vers le Continent Caché a été interrompue et des Hunters sont revenus par centaines à bord de la Black Whale. Les rivalités engendrées par la succession du trône de Kakin ont été balayées d'un revers de manche, laissant la couronne orpheline. Flanqué de ses hommes de mains, Beyond Netero a quitté le navire, avortant l'expédition la plus prometteuse de leur ère.

Pariston avait-il manipulé chaque filon qui les reliaient d'une manière ou d'une autre à cette conquête ?

Ou l'avait-il seulement prétendu ?

Léolio l'ignore. La seule chose qui martèle son esprit à présent n'est autre que le regard absent de son vieil ami, terrassé par l'échec. Il pensait qu'en l'accueillant chez lui, il parviendrait à veiller sur le Kuruta plus facilement. Mais le désespoir n'arrête pas l'acharnement ; surtout lorsque ce dernier parvient à faire taire toutes les lamentations qui vous habitent.

Très tôt ce matin, à cette heure où la ville dort encore : il l'avait découvert. 

Il gisait nu, à moitié immergé dans la baignoire d'eau tiède, opaque et odorante. Elle avait séché à certains endroits de sa peau, laissant une auréole brunâtre qu'il avait fallu frotter pour faire disparaitre. Sous la voûte de ses lourdes paupières, les étoiles s'étaient éteintes. Le seul détail qui lui témoigna le peu de vie qu'il lui restait avait été une larme, solitaire, immobile sur sa joue creuse. Mais scintillante comme aucune autre n'avait été donnée de l'être.

Léolio avait agi dans la foulée ; les muscles bandés, il s'était précipité vers son téléphone. Implorant le ciel qu'on lui vienne en aide le plus rapidement.

- Hey !

Surpris, il cligne des yeux plusieurs fois. Sa main en visière, il abrite son regard du soleil et découvre le jeune Killua, à l'ombre du porche enfleuri qui annonce l'entrée de l'hôpital. Aussitôt, il se sent plus léger, le poids qui menace de déchirer ses entrailles s'envole brusquement ; il a un vertige lorsqu'il se lève.

- Je ne savais pas que tu fumais ! Pour un presque-médecin ce n'est pas le meilleur choix que tu aies fait !

L'adolescent échappe un rire, vite absorbé par le bourdonnement continu des insectes qui s'affairent dans le parc.

En réponse, Léolio le prend dans ses bras, frictionnant son crâne de son poing fermement clos. Killua a encore grandi, plus que quelques centimètres et il arrivera à sa hauteur ; il imagine que Gon n'en n'est pas loin non plus.

Le nez enfoui dans les mèches rebelles du garçon, il murmure :

- Merci d'être venu...

Leur étreinte est étrange, Killua n'a jamais aimé le contact. Et pourtant, la pression qu'il opère sur l'épaule de son ami représente bien plus qu'elle ne laisse paraitre.

- Tu n'as pas besoin de me remercier. Je suis plutôt content d'avoir pu me déplacer.

A ces mots, Léolio comprend. Il se détache de lui, une légère pointe de culpabilité dans le regard:

- Moi non plus, je n'ai pas de nouvelles de Gon. J'ignore s'il reçoit toujours mes messages... Il en est de même pour Ging, aucun des Zodiacs n'a de ses nouvelles. Mais je crois qu'ils s'en passent bien !

Killua hausse les épaules, il ne s'attendait à rien de plus. Il détourne les yeux et jette un regard au loin, un mince sourire soulève les commissures de ses lèvres. Dissimulée sous une ombrelle, Alluka les observe, le visage bas.

- Tu peux venir ! Léolio se souvient très bien de toi !

Hésitante, la jeune fille approche, son regard clair planté dans celui du brun.

- Je suis désolée pour ce qui est arrivé à ton ami. Décidément, chacune de nos entrevues ont lieu dans un hôpital, ce n'est pas un bon augure !

Elle le contemple, interdite. Son menton est dissimulé entre ses cheveux obscurs qui coulent sur ses fines épaules. Léolio ne peut le nier, Alluka Zoldyck fait partie des créatures les plus fascinantes qu'il aie pu voir dans sa vie. Il ne doute pas qu'avec le temps, elle deviendra une femme irrésistible.

Mais l'heure n'est pas à la contemplation. Aussitôt, il s'incline et la remercie d'avoir accompagné Killua.

- Crois-moi, si j'avais pu, j'aurais usé de mon don pour qu'il guérisse plus rapidement. Mais grand-frère a fait promettre à Nanika de ne plus revenir.

- Ne t'inquiète pas, Alluka. Ta venue est un plaisir. Et puis – Léolio gratte l'arrière de son crâne – les médecins ont dit qu'il n'en n'aurait plus pour si longtemps. Il sera vite sur pieds !

La jeune femme acquiesce vigoureusement, un air soulagé sur son visage de poupée. Ensembles, ils finissent par quitter l'établissement pour aller manger dans un petit restaurant aux alentours.

Sur le chemin, Killua reste en retrait ; il balaye leurs arrières d'un regard d'acier.

Bien que l'accident de Kurapika ait été passé sous silence, le jeune Zoldyck est bien trop habitué aux esprits corrompus qui peuplent la ville pour baisser sa garde. Si l'un d'eux daignent franchir les limites, il sera en première ligne, prêt à les recevoir.

Soudain, une présence qui ne lui est pas inconnue attire son attention. A quelques mètres de leur trio, il aperçoit la silhouette d'une jeune femme qui semble lui faire signe. Elle porte un ensemble lumineux, assorti à un petit chapeau rond délicatement posé sur le haut de son crâne, il ne la reconnait pas tout de suite; mais accroché à son épaisse ceinture de cuir, il distingue la jolie flûte traversière capable de jouer les plus belles notes du pays. 

Lucie Draw

CERBERUSWhere stories live. Discover now