Chapitre 10

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Henri conduit un break, il a vraiment toute la panoplie du papa. Un siège auto se trouve à l'arrière ce qui me fait me questionner. Sa fille n'a-t-elle pas l'âge de vivre seule ? Est-il si sentimental qu'il a gardé son siège dans sa voiture depuis tout ce temps ?

Il remarque mon regard curieux.

— Je suis famille d'accueil, nous n'avons pas eu d'enfants depuis un an maintenant mais je me tiens toujours prêt.

Je reste bouche bée, cela me rappelle une élève de mon lycée, arrivé en cours d'année. Notre professeur principal nous avait expliqué sa situation avant qu'elle débarque en classe, cela avait même été le sujet d'une heure de cours entière. Lola avait été retiré à ses parents, ils abusaient de l'alcool et de substances en tout genre et avait été reconnu de négligence grave envers leur fille. On nous avait expliqué le fonctionnement des différentes institutions de l'État dans le domaine de la protection de l'enfance et puis enfin le principe des familles d'accueils. J'avais toujours trouvé ses gens extrêmement honorables. Savoir qu'ils accueillaient chez eux un enfant brisé, l'aidaient à se reconstruire et lui offraient ce qu'il n'avait peut-être jamais eu : de l'amour, me faisait les admirer. En grandissant j'avais appris que certaines de ses familles étaient aussi horrible que les familles d'origine de ces enfants si ce n'est pire.

Mais m'imaginer Henri comme famille d'accueil me mets du baume au cœur, je sens qu'il est profondément bon et savoir que plusieurs enfants ont pu croiser sa route et profiter de ses conseils avisés déclenche en moi un sentiment encore plus grand de respect à son égard.

— Tu t'intègres bien, je suis content que tu sois venu ce soir, me dit Henri pour changer de sujet.

J'ai pourtant eu l'impression d'être de trop ce soir, en même temps, rares sont les endroits où je me sens à ma place.

— Ça m'a fait plaisir d'être venu aussi, j'ai passé une super soirée. J'hésite un instant et mets le sujet sur la table. Livia et Antone sont ensemble depuis longtemps ? Je demande.

— Un peu plus d'un an je dirais. Ils se sont rencontrés à l'hôtel quand elle a commencé.

Heureusement que nous sommes plongées dans le noir il ne peut pas lire sur mon visage ce que ça me fait d'entendre ça.

—Tu l'aimes bien ? Je veux dire, elle, tu t'entends bien avec elle ? J'ai remarqué qu'ils ne s'étaient pas parlé ce soir, pas une seule fois.

Je joue avec mes doigts, je suis stressée et mal à l'aise de parler de ça avec lui sachant qu'il le connait depuis longtemps, si ce que m'a dit Claire sur le fait que les salariés sont présents depuis l'ouverture de l'hôtel, il l'a même peut-être vu grandir et je ne veux pas le pousser à commérer sur lui, mais d'un côté, j'ai besoins qu'on réponde à mes questions.

— Antone est avec Livia, même si personne n'approuve vraiment cette relation à l'hôtel, il est avec elle et c'est un fait donc on se doit de l'accepter, au moins pour lui. Mais c'est vrai que ce n'est pas la personne que je préfère au boulot. Tu devrais faire attention à elle, elle est un peu hystérique quand on s'approche d'Antone. Je pense que tu devrais éviter de rester avec lui au travail et qu'il te ramène chez toi le soir si l'occasion se représente. Je ne veux pas que tu te mettes dans une mauvaise posture vis-à-vis d'elle et qu'elle te prenne en grippe.

C'est déjà trop tard pour ça vu la façon dont elle s'est comportée avec moi aujourd'hui.

— Pourquoi personne n'approuve cette relation ? Je demande curieuse.

Il souffle un coup et secoue la tête, je sais qu'il hésite à me répondre.

— Livia est, comment dire ... Quelqu'un qu'on pourrait décrire comme intéressé. Enfin, c'est l'analyse que nous avons tous fait d'elle. Elle le rabaisse souvent quand il n'est pas là, elle le critique beaucoup, même devant ses parents. On pourrait se demander pourquoi ils sont ensemble, mais je pense tout simplement qu'Antone croit qu'il ne mérite pas mieux, et elle, elle sait qu'être avec lui, ça lui apportera une stabilité financière et la vie qu'elle souhaite.

Que Livia soit l'opposé d'Antone, ça, je l'avais remarqué. Mais que la relation soit aussi bancale, je n'aurais pas pensé.

— Pourquoi personne ne parle de ça à Antone ? Je demande.

— Parce que ça ne nous regarde pas Alba, même ses parents ne s'en mêlent pas. C'est un homme maintenant, il est apte à juger de ce qui est bon pour lui et ce qui ne l'est pas.

Alors voilà l'élément qu'il me fallait pour enfin m'enlever ce stupide coup de cœur de la tête et arrêter de m'imaginer que ma vie est un film dans lequel je joue le rôle de la nana qui tombe amoureuse au premier coup d'œil et pour qui tout fini bien. Il est avec Livia, aussi barré soit-elle. Fin de l'histoire, le chapitre est clos.

Il me dépose devant chez moi et je le remercie de m'avoir évité une marche tardive. À vrai dire, et à ma plus grande surprise, je rentre soulager. Soulager que la vie ait décidé que la farce qu'elle m'avait fait a assez durer. Antone est un bel homme, gentil et drôle et je sais que je finirais par faire en sorte qu'il ne m'attire plus. Je n'aurais qu'à l'éviter jusqu'à que mon cœur et ma tête comprenne une chose : Antone ne sera qu'un ami.  

Hôtel LucianiWhere stories live. Discover now