Hôtel Luciani

Chapitre 2

-Bonjour mademoiselle.
Un monsieur d'une cinquantaine d'année se tient devant les portes automatiques. Droit comme un piquet et vêtu d'un uniforme au couleur de l'hôtel, il me sourit quand je lui rends son bonjour et m'indique le comptoir pour tout renseignements. Un salarié juste pour accueillir les gens ? Soit-il ne sont pas touché par la crise qu'a rencontré l'ile, soit ma tenue est bien trop simple pour postuler dans un endroit de ce genre, me dis-je.

J'arrive à peine devant le comptoir quand une femme se présente devant moi.

– Bonjour et bienvenue à l'hôtel Luciani, que puis-je faire pour vous ? Elle a une voix calme et posée et un chignon tiré à quatre épingles. Elle doit être légèrement plus vielle que l'homme à l'entrée mais les signes de son âge sont plus que subtiles.

J'hésite un instant et hésite à partir en courant. Je ne me sens pas du tout à ma place et j'ai vraiment l'impression que je vais me ridiculiser.

– Bonjour, ma demande pourra vous paraitre un peu particulière, mais, je cherche un emploi. Je n'ai pas de CV sur moi aujourd'hui mais je pourrai vous le faire parvenir par mail ou en main propre si besoin. Excusez également ma tenue, je reviens de la plage et en passant devant votre hôtel j'ai eu l'envie d'y rentrer pour une candidature spontanée. Je...

– Tout va bien, ne vous inquiétez pas, me coupe la femme.

Je respire à nouveau et me rend compte que si elle ne m'avait pas coupé, j'aurais pu continuer mon monologue pendant de longue minutes. Après tout, je connais mon CV par cœur et aurait pu le réciter.

– Vous n'avez pas besoins de vous excuser, reprend-elle. Je n'ai pas non plus besoins de votre CV. Vous recherchez un emploi à pleins temps ? Quel âge avez-vous ? Vous avez fini vos études ?

Surprise par sa bienveillance, je respire encore un peu plus.

– Oui effectivement, je recherche un emploi à pleins temps, mais je suis prête à accepter n'importe quel contrat. J'ai 22 ans et j'ai fini mes études. A vrai dire, je n'ai pas continué après le bac.

- Ce n'est pas un problème, nous ne regardons pas les diplômes de nos salariés, seulement leur motivation et leur compétence. Nous recherchons effectivement quelqu'un en ce moment pour un poste polyvalent. Vous serez amené à faire de l'accueil, à préparer les chambres, à tenir le bar. Nous sommes ouverts 24h/24 alors vous devrez souvent effectuer des horaires de nuit ici. L'hôtel Luciani possède huit chambres, nous ne sommes pas un énorme établissement mais nous proposons les mêmes prestations. Nous travaillons en famille ici, je tiens cet hôtel de mes parents et je travaille maintenant avec mon mari, mon fils, ma fille et les autres salariés sont tous ici depuis plus de 15 ans. Si cela vous convient je peux vous proposer de venir faire un essai dès lundi prochain.

Mon cerveau tourne à pleins régime. Il y a beaucoup trop d'information à traiter. Premièrement, je viens de m'entretenir directement avec la propriétaire et donc directrice de l'hôtel alors que je n'avais jamais pu donner mon CV à des responsables dans d'autres établissements. Elle avait été douce, gentille et pleine de considération ne faisant même pas attention à ma tenue quand d'autre m'avait envoyé paître dans mon tailleur. Deuxièmement, information la plus importante et la plus dure à réaliser, j'avais obtenu un essai, essaie qui pourrait plus tard et si je m'en donnais les moyens, découler sur un boulot. Un travail. Cela faisait des mois que j'espérais ça et l'opportunité se présentait enfin à moi.

– Bien sûr que cela me convient, je vous remercie infiniment. Je serais là lundi sans faute, répondis-je en essayant tant bien que mal de cacher mon excitation pour rester un tant soit peu professionnelle.

– Alors à lundi, Mademoiselle...

–Piétri, Alba Piétri.

– À lundi Mademoiselle Piétri, me sourit-elle.

Je salue l'homme de l'accueil et sors de l'hôtel un sourire scotché au visage. Je prends le temps de respirer un bon coup. L'air salé de la mer me caresse le visage. Je me dit que soudainement tout va aller mieux. Je jette un coup d'œil en face de moi et me met à rire. J'avais été à cette place sur la plage pendant des semaines et des semaines tous les matins et n'avait jamais prêter attention à cet hôtel, un comble pour une personne qui recherche autant un travail. Pour une fois, je donnais ironiquement raison à notre cher président : Il fallait simplement que je traverse la rue.