Chapitre 3

1 0 0
                                    


Quelqu'un secouait vigoureusement une chemise devant elle et Zayn savait déjà le visage rayonnant d'Abi juste derrière.

- Regarde, ils ne sont pas incroyables ces motifs ?

- Incroyables, d'ailleurs je ne suis pas sûre d'arriver à m'en remettre ! Je vais aller m'asseoir un peu, rétorqua-t-elle ironiquement.

Ils avaient quitté le lycée en début d'après-midi et cela faisait bientôt deux heures qu'ils parcouraient les magasins pour trouver une tenue pour le bal de l'Hiver du Théâtre. Elle avait toujours admiré l'entrain d'Abi qui sautait de boutiques en boutiques en s'extasiant devant absolument n'importe quoi. Elle, pour sa part, avait plus de mal avec cet exercice et avait passé tout son temps à éviter stratégiquement les vendeuses qui voulaient la ligoter dans des chaussures à paillettes immondes.

Ses remarques n'atteignaient pas le moins du monde Abi qui continuait de tourner comme une toupie dans les rayons, disparaissant régulièrement pour réapparaître sous des montagnes de vêtements devant elle, ce qui la faisait toujours rire aux éclats.

- C'est pas avec cette tête là que tu vas trouver un cavalier, tu comptes encore t'accompagner toi-même cette année ?

Elle ouvrit la bouche en protestation, mais n'eut pas le temps de décrocher un mot. Son ami s'approchait une écharpe poilue autour du cou, d'une démarche qui tenait plus du flamand rose que de l'être humain.

- Oui tu as le droit, et tout le monde sait que tu es indépendante... et mince pourquoi on n'a pas le droit de s'amuser et d'être une femme forte ? Se moqua-t-il la bouche en cœur en frottant l'extrémité de l'immense écharpe au nez de Zayn.

Il prit ses jambes à son cou et disparu derrière les portants, il savait qu'il avait touché une corde sensible. La propriétaire de cette corde se rua immédiatement sur ses traces, mais l'agilité de l'adolescent gagnait toujours et elle se retrouva rapidement perdue.

Son corps était si faible. Cela faisait plusieurs nuits qu'elle rêvait de cette cabane étrange et elle se réveillait toujours en sueur, la boîte qu'elle n'avait pas encore réussi à ouvrir posée sagement sur sa table de chevet, elle était épuisée. Victime de la fatigue, elle voulut s'asseoir sur un fauteuil en velours rouge, mais son regard fut attiré par un trait de lumière sur le portant d'en face. Elle tira le ceintre, le poids du tissu était impressionnant et, quand elle réussit enfin à l'extirper de la masse, son souffle se coupa.

Sans même s'en rendre compte, Zayn se glissa dans une cabine d'essayage. Elle entendait la voix lointaine de son ami qui ennuyait probablement bon nombre de clients de la friperie.

- Je te le dis, avec ce que j'ai dégoté aujourd'hui, impossible qu'Elena résiste à mon charme. Cette fois c'est la bonne, tu m'entends ? D'ailleurs j'ai le plan parfait.

Elle laissa glisser au sol son jean et s'extirpa de son sweat, elle se reflétait dans trois miroirs ce qui lui sembla être un nombre ridicule. Elle se contempla un instant sans s'admirer, persuadée qu'on ne pouvait s'accepter totalement sans connaître son corps, le regarder et le toucher. On lui avait dit qu'elle était belle, qu'une fille comme elle avait déjà un avantage sur la vie, qu'elle gagnerait à être plus féminine mais qu'elle trouverait probablement quelqu'un à aimer dans tous les cas. Quelle chance.

Ces gens là n'avaient jamais vu la cicatrice qui barrait son dos. Ils ne connaissaient pas non plus son visage qui irradiait de bonheur lorsqu'elle entendait un accordéon, ses pommettes qui se haussaient quand elle lisait les romans de la bibliothèque d'Ebenezer. Dans ces moments, ils auraient pu dire qu'elle était simplement magnifique.

Retour à TeweliaWhere stories live. Discover now