Chapitre 1

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Le souffle s'engouffra dans la vallée, faisant frissonner l'eau avant d'atteindre la maison en bois au bord de la rivière. Les longs cheveux de Zayn furent secoués par le vent pendant quelques minutes, mais elle ne se réveilla que quand les volets se rabattirent sur le fauteuil où elle s'était endormie.

La jeune fille s'étira de tout son long et, dans un mouvement tout de même assez gracieux, contempla cette terrasse surplombant la canopée. Il y avait une jungle en contrebas, et les arbres se tordaient en tous sens sous l'effet d'une tempête qui approchait. Au loin, le ciel s'assombrissait comme un horizon qu'on aurait éteint.

Elle poussa la porte de la maison en suffoquant. Chaque espace était étrange et vide, à l'exception d'un feu qui brûlait imperturbablement dans la pièce centrale. L'absence de bois sous les flammes ne retint pas l'attention de Zayn, elle ne reconnaissait rien et cela la préoccupait plus que tout au monde. Elle ne se rappelait ni de la longue tunique de toile verte qu'elle portait, ni de la forme qu'elle rencontra lorsque ses mains effleurèrent ses poches. Elle saisit à l'intérieur une boite ronde gravée de motifs dorés sur laquelle elle laissa ses doigts glisser pendant quelques secondes. Une multitude de cercles s'entrelaçaient sur le bois et chacun semblait si infini qu'elle en eut un peu le vertige.

Une détonation incroyable fit s'envoler tous les oiseaux avant que l'armature de la maison soit prise de secousse, faisant tomber un nuage de poussière des plafonds. Zayn se rua vers l'extérieur.

N'arrivant toujours pas à respirer correctement, elle dévala la pente sans savoir si elle atteindrait le cours d'eau. À chaque foulée, l'herbe caressait ses pieds comme une vieille amie, marquant son corps d'un sentiment bien familier qui s'arrachait à chaque fois que ses orteils nus se détachaient du sol.

Une deuxième détonation teinta le ciel d'une couleur orange et elle eut juste le temps de donner une forte impulsion au sol avant de plonger dans l'eau bouillonnante.

Les remous la balancèrent plusieurs fois contre la rive, la rivière s'était emparée de son corps. Quand elle arrêta de se débattre, les courants se calmèrent et la lumière transperça de nouveau la surface. Les lueurs du soleil rebondissaient sur le sable et illuminaient les algues autour de son corps lourd.

Les dernière bulles dansèrent devant ses paupières fermées, annonçant l'eau qui allait s'engouffrer bientôt entre ses lèvres. Elle se surprit à ne penser à rien en ce dernier instant, elle avait la sensation d'une fatalité. Comme si elle avait déjà laissé s'échapper cette respiration auparavant et que personne n'avait rien pu y faire. Elle entrouvrit la bouche et sa poitrine accueilli l'eau qui dévala sa gorge sans même une plainte.

Elle ne ressentait plus de douleur, et pourtant une force compressait son bras droit.

- Zayn... Zayn !

Elle ouvrit les yeux sur le visage flou d'un jeune homme particulièrement en colère, sa main enserrait maintenant ses épaules. Elle râla de douleur et palpa à son visage qui reprenait petit à petit des couleurs, mais l'excité continua sans même voir le filet d'eau qui sortait de la bouche de son amie.

- Le bus est parti ! S'exclama-t-il en faisant des ronds autour du banc sur lequel elle était maintenant allongée. Le bus est parti et ils nous ont encore oubliés !

Zayn se redressa en toussant. Autour d'eux, les visiteurs de l'aquarium déambulaient en leur jetant des regards inquiets, seuls les poissons semblaient imperturbables. Avait-elle donc rêvé cette tempête ? Elle remit de l'ordre dans ses cheveux, saisit la capuche de son vieux sweat et la rabattit sur sa tête. Abi semblait à présent dans un état second, les yeux rivés sur deux méduses particulièrement violettes.

- Je crois que tu m'as déboité l'épaule, soupira-t-elle en traînant des jambes pour rejoindre l'entrée de l'aquarium.

- Tu rigoles ? Attends de voir ce que je vais recevoir en ratant encore mon rendez-vous avec Fabien.

Il roula des yeux et pris une position grotesque, mains dans le dos et lunettes prêtes à tomber du bout de son nez.

- Monsieur Nouri, après avoir relu votre dossier, il me semble bien qu'il serait recommandé d'envisager une licence Pro Tourneur fraiseur ! Imita-t-il d'une voix nasillarde.

Zayn ne put s'empêcher de rire. Ils sautèrent par-dessus le tourniquet de l'entrée du bâtiment, tous deux résolus à entamer la longue marche vers le foyer. Lorsque les portes s'ouvrirent sur cette après-midi ensoleillée de novembre, un froid incroyable les prit au visage. Zayn mit inconsciemment ses mains dans la poche de son sweat et se figea un instant.

- Dépêche ! J'ai des orteils à protéger et des fraises à tourner ! S'écria Abi en bondissant comme un diable.

Mais elle n'entendait plus rien. Sous l'épaisse étoffe, ses doigts caressaient les cercles d'une petite boîte qui lui donnait le vertige.

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