CHAPITRE II |Emris

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Le brouillard et le ciel gris m'empêchent de voir correctement les maisons aux alentours par la fenêtre, la mélodie de la pluie qui s'abat sur la fenêtre de la cuisine accompagne les soupirs de ma mère qui se bat avec les draps et le matelas gonflable depuis déjà une dizaine de minutes.

Le camion avec nos cartons est enfin arrivé de Vancouver. Je n'étais pas vraiment enchantée de quitter ma ville pour ce village, non pas parce que Vancouver allait me manquer, non plus parce que j'ai dû quitter mes amis. D'un côté, j'étais contente d'enfin partir de cette ville, d'avoir une chance de pouvoir recommencer à zéro. Mais la peur que même ici tout recommence, la peur que même ici mon anxiété, mes cauchemars constants m'ait suivie même à tant de kilomètres.

Je me levai de ma chaise près de la fenêtre, décidée à changer mes pensées. La première étape était de récupérer mes cartons avec les souvenirs que j'ai emportés. Ils contenaient des morceaux de mon ancienne vie. La chambre vide résonnait de l'écho de mes pas. Les murs nus semblaient me défier de les remplir de nouveaux souvenirs. J'ouvris un à un les cartons, dévoilant des photos, des livres, des petits trésors que je m'étais juré d'emporter dans ma nouvelle vie.

Dans un des cartons je remarquai un vieil album photo que ma mère avait emballé avec précaution. Des souvenirs gelés dans le temps, des visages souriants figés sur du papier glacé. Les moments heureux qui semblaient appartenir à une autre vie. Je décidai de les utiliser pour décorer ma chambre, peut-être comme un moyen de me raccrocher à ces instants de bonheur dans ce nouvel endroit.

Une fois les cartons déballés, ma chambre prit lentement forme. Les photos encadrées trouvèrent leur place sur les murs blancs, apportant une touche familière à cet espace inconnu. Un instant, je me perdis dans les souvenirs, me permettant de me sentir connectée à quelque chose de stable au milieu de cette nouvelle vie incertaine.

Je descendis ensuite les escaliers, prête à annoncer à ma mère que je sortais en ville pour acheter mes fournitures. C'était une excuse, bien sûr, une manière de m'échapper et de respirer loin des regards scrutateurs de ma mère.

-Je vais faire quelques courses en ville, maman. J'ai besoin de livres pour les cours et de quelques fournitures.

Elle hocha la tête distraitement, encore occupée à défaire un nœud particulièrement complexe dans un drap.

La ville était mouillée par la pluie, mais l'air frais et le bruit apaisant des gouttes tombant sur le parapluie m'apportèrent un réconfort bienvenu.

Je me dirigeai vers la librairie et alors que je traînais mes pas vers le magasin de livres usagés, je me sentis étrangement observée. Là, entre les étagères de romans, se tenait le jeune homme au parapluie, son regard curieux captivant le mien. Un sourire taquin étira ses lèvres, et une pique acérée s'échappa de sa bouche.

-On dirait que tu as trouvé un moyen de te protéger de la pluie sans voler mon parapluie cette fois-ci.

Je fus surprise par son audace et esquissait un sourire en réponse.
-Je n'ai pas l'intention de devenir une voleuse de parapluies professionnelle, rassure-toi.

Il rit doucement, et nous nous retrouvâmes à errer dans les allées étroites du magasin. Les livres devinrent des prétextes à nos échanges, une excuse pour prolonger cette rencontre imprévue.

-Tu aimes la poésie ? demanda-t-il, déplaçant un recueil de vers classiques du bout des doigts. 

-Parfois, elle exprime des sentiments que les mots ordinaires ne peuvent pas toucher.

Il sembla comprendre la signification sous-jacente de mes paroles.
-Moi, je n'aime pas trop les mots. Ils peuvent être beaux, mais ça ne veut pas dire qu'ils sont vrais.

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