- C'est bien. Et rappelez-vous qu'a l'école on ne parle pas en français sinon les autres ne vont pas vous comprendre.

Ils me répondent à peine et filent dans leur salle de classe à la suite de leurs camarades. J'ai réussi à obtenir du directeur que mes fils soient dans la même classe. Je me doute que l'éducation que Gabriel et moi leur donnons est différente de la norme et doit être un obstacle pour eux dans leurs relations sociales. Mais je préfère ça plutôt que de devoir cacher à mes enfants la véritable nature de leurs parents. Liam et Tiago savent très bien ce que nous faisons puisque Gabi les inclus dans les réunion de planification. Au début, je n'étais pas d'accord mais comme ce sont mes fils qui ont demandé à venir, je n'ai pas pu dire non. Dans quatre ans, Gabriel les entrainera. Dès leur naissance, Gabriel et moi avons rédigé le testament qui devra partager nos biens et notre business entre nos fils. S'ils décident de travailler ensemble, la mafia telle que nous la connaissons restera soudée mais dans le cas contraire, les territoires français et italiens seront scindés en deux parties égales. En attendant, mes deux petits anges sont unis comme les cinq doigts de la main. Dès qu'il y a une bêtise à faire, ils la font ensemble et je crains que bientôt, Matilde ne les rejoignent au grand désespoir de ses parents.

- Guilian ?

- Oui Madame ?

- Conduis-moi à la Perla Bianca.

La Perla Bianca, « Perle Blanche » en français, se trouve dans une rue commerçante et sert de lieu de stockage pour les caisses de cocaïne en provenance de nos cultures clandestines d'Amérique. Ce restaurent trois étoiles est parfait pour camoufler le trafic et pour faire des bénéfices. Mon travail est le suivant : je dois m'assurer que la cargaison qui dort au sous-sol de la Perla Bianca soit en sécurité et hors de portée des curieux. Guilian se gare devant le restaurent et j'entre en saluant la patronne.

- Salut Enzia, ça va ce matin ?

Gabriel a confié la Perla Bianca à Léo et Enzia lorsqu'ils se sont installés à Naples, leur permettant ainsi d'élever leur fille tout en rendant des comptes à la mafia. En plus de l'hébergement de la cargaison secrète au sous-sol, Léo et Enzia nous versent un pourcentage de leurs revenus. Matilde, qui jouait dans un coin, court vers moi et s'accroche à ma jambe. Je la prends dans mes bras en riant. Léo récupère sa fille et m'accompagne au sous-sol. Après une rapide inspection, je rejoins Enzia et lui annonce que nous récupèreront les caisses de drogue le lendemain, à minuit moins dix. Guilian me récupère devant le restaurant et roule en direction de la villa.

+++

- Attends Guilian, j'ai quelque chose à faire avant de rentrer.

Mon chauffeur gare la voiture sur le parking du fleuriste que je lui ai indiqué et coupe le contact. Je sors de la limousine et reviens dix minutes plus tard avec un bouquet de roses blanches, les préférées de ma mère.

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Tiago et Liam se précipitent vers moi et je les serre dans mes bras. A voir leurs têtes, quelque chose s'est mal passé. Une fois dans la voiture, Liam me raconte leurs journée entre deux sanglots. Un élève de sa classe aime jouer les durs et les a frappés. Comme ils étaient hors de portée de la vue des enseignants, c'était leur parole contre celle de leur camarade et les professeurs n'ont rien fait. Je serre les dents en examinant l'hématome qui s'est formé sur la joue de Tiago.

- Guilian, lançais-je sèchement, chez Thomas et en vitesse.

Le chauffeur démarre sans un mot tandis que je sors mon téléphone pour appeler Gabriel. Je lui raconte ce que les garçons m'ont dit sans oublier un seul détail. Une fois chez Thomas, le vieux médecin prescrit une pommade pour les coups et me conseille d'aller parler aux professeurs et, si l'incident se reproduit, aux parents de l'intimidateur. Je le remercie et sors de la clinique, suivie de mes fils. En passant devant Guilian, je lui murmure une coutre phrase. Il acquiesce et démarre la limousine.

- Il nous a traités de sales riches, se lamente Liam, c'est pas juste.

- C'est parce qu'il est jaloux de vous qu'il a dit ça, les rassurais-je, ne vous inquiétez pas : papa et moi on va s'en occuper.

Guilian s'arrête devant le glacier. Quand mes fils reconnaissent l'endroit, le sourire revient instantanément sur leurs visages. Gabriel nous attend déjà devant l'entrée. Les garçons lui racontent une seconde fois les évènements de la journée. J'observe mon mari pendant le récit de mes fils : il serre les dents et a l'air en colère. Liam et Tiago ne nous ont jamais menti, pas même pour cacher une bêtise, ils assument les faits, point. Du coup, quand nos fils nous disent qu'un garçon de leur classe les a frappés, nous les croyons sur parole, et ce, même s'ils n'avaient pas été blessés.

+++

Le lendemain matin, en accompagnant les enfants à l'école, je repère leur professeure et lui demande un rendez-vous pour discuter de l'incident. Celle-ci accepte à contrecœur, visiblement désireuse de ne pas s'en mêler. Heureusement pour mes fils, c'est mercredi. Je les regarde rejoindre leurs camarades de classe en repérant celui qui leur a cherché des noises hier.

+++

Je ne m'attendais pas à récupérer mes enfants dans cet état en venant les chercher. Liam a une morsure au bras et il saigne au front et Tiago a la lèvre fendue et de nouveaux bleus au visage. C'en est trop pour moi. Je saisis mon portable et appelle Gabriel qui rapplique deux minutes plus tard. Vu la rapidité avec laquelle il nous a rejoints, il a dû griller plusieurs feux rouges... Je prends mes fils par la main et rattrape l'enseignante qui n'a eu visiblement aucun scrupule à laisser mes garçons saigner pendant les cours. Elle aurait au moins pu désinfecter les plaies et leur mettre un pensement non ? Je réclame une entrevue immédiate avec elle mais elle refuse, prétextant une urgence. Je m'apprête à réitérer ma demande quand Gabriel intervint.

- Ecoutez-moi attentivement parce que je ne le répèterais pas deux fois : si je dois récupérer mes enfants dans cet état tout les jours je m'arrangerais pour vous faire changer de métier ? suis-je assez clair ?

La prof déglutit et nous invite en bégayant dans sa salle de classe. Sur le chemin, elle convoque les parents du caïd et le gosse en question. Nous nous retrouvons, tout les sept en face de l'enseignante. La mère de Lorenzo, le gamin qui intimide mes fils, est visiblement indignée de se retrouver dans le bureau de la prof :

- C'est inacceptable, commence-t-elle, je ne peux pas perdre du temps ici à chaque fois qu'un enfant accuse mon fils. Je...

- Et leurs blessures, intervint Gabriel, ils les ont inventées peut-être ?

La femme s'éclaircit la voix avant de poursuivre :

- Vous n'avez aucune preuve contre mon fils.

- Dans ce cas, on va avoir un problème vous et moi et je vous assure que ce n'est pas une bonne idée.

Aïe, si Gabi ne se maîtrise pas, ça va mal finir. Je lui lance un regard doux et il me répond par un clin d'œil : ok, tout va bien, il joue la carte de l'intimidation. C'est le retournement de situation ! La professeure nous observe, les mains croisées sous le menton.

- Il n'empêche que Monsieur et Madame Malatesta ont raison Madame Orsini.

Dieu merci elle intervint !

- Je suis responsable de Tiago et de Liam, reprend-elle, si tout les jours, ils rentrent chez eux blessés, c'est effectivement un problème.

- Mais vous n'avez pas de preuves que mon fils ai frappé ces deux garçons, s'entête-t-elle.

- Madame, dit la prof en soupirant, il y a eu des témoins aujourd'hui. Trois élèves plus âgés ont vu Lorenzo blesser Tiago et Liam.

Je vois Gabriel se détendre et Lorenzo pâlir. Sa mère se tourne vers lui, rouge de colère. J'en connais un qui va passer un sale quart d'heure en rentrant. Satisfaits, nous rentrons chez nous, souriants. J'espère que les garçons ne vont pas me faire leur cirque demain matin sinon eux aussi vont passer un sale quart d'heure !

Stone Heart MafiaWhere stories live. Discover now