Chapitre 8.2

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Du coin de l'œil, je vois deux longues oreilles surgir de la chevelure brune d'Ancelin.

On dirait qu'Ancelapin perd ses moyens.

— Vous devez être bien sûr de vous pour proposer cela...

Il secoue la tête et les deux plumeaux duveteux par la même occasion.

— Zyn, reprend-il d'un ton plus chaud et familier. Ce serait là un immense honneur pour vous, pour votre famille et pour notre pays tout entier ! Vous en avez conscience, n'est-ce pas ?

— Ha, oui, oui, j'en ai conscience, mais ça ne fait pas naître l'envie. Il est hors de question que je devienne un Héros.

Je m'enfonce dans les coussins moelleux et ferme les yeux. Je dois trouver un moyen d'échapper à mon Destin, mais comment ?

Je suis enfermé (puni) dans ma chambre depuis tellement longtemps que j'ai perdu le compte des heures. Sans divertissement, sans visite autre que celle de Lapin'Elfe. Je n'ai pas accès aux bains ni à la salle d'aisance. En revanche, j'ai un pot de chambre en cas de besoin. Je peux toujours le lancer sur Ancelin...

— Pourtant, cela vous aiderait grandement de trouver un but, à défaut de suivre le chemin que Dame Lune vous a tracé...

— Le Destin, c'est surfait, répliqué-je sèchement. Je ne veux pas parler de ça, tu le sais.

— Je le sais, mais vous ne pouvez m'empêcher de le déplorer. Si vous acceptiez votre Destin, vous pourriez faire de grandes choses, soupire Ancelin en tirant sur ses oreilles comme il le fait toujours quand il essaie de maîtriser sa transformation.

Ses mots forment un écho étrange à ceux qu'avaient prononcés Mère autrefois, et soudain, je me retrouve propulsé des années en arrière.

***

J'ai treize ans, le cœur en miette et la vie brisée pour la deuxième fois de ma courte existence. Mère, assise sur mon édredon en plume de Frell, me console comme elle peut. Ses longs doigts grisâtres (plus gris que les miens, plus Kobolds) jouent avec les mèches argentées de mes cheveux encore courts.

— Zyn, mon rayon de lune... tu aurais dû le ramener quand tu as pu au lieu de laisser cette garce se mettre entre vous.

— Mais j'ai essayé ! Et j'avais presque réussi avant que les gardes crient mon nom ! Mais il... il me déteste. Je savais pas qu'il me détestait autant. Je savais pas que ça ferait aussi mal.

Je serre les poings et tente de contenir mes larmes, en vain. Je me déteste d'être si faible encore une fois. À cause de lui. De ses mots. De son désir de vengeance.

— Moi aussi, je le déteste, craché-je. Je veux plus jamais entendre parler de lui.

— Mon rayon de Lune, m'apaise Mère. Il est ton Destin, tu dois...

— Et je veux plus entendre parler des Lunelins, continué-je, sourd à ses paroles. De Dame Lune non plus ! Des âmes sœurs et de toutes ces bouses de Frell avariées !

— Rayon de Lune, tu ne l'entends plus depuis quelques jours, seulement. Et tu t'es persuadé de l'avoir déçue en échouant dans ta mission. Mais tu restes un Lunelin. Laisse passer le temps, et tu entendras de nouveau ses chuchotements courir dans tes veines.

Un ricanement monte dans ma gorge, que je retiens à grand-peine quand Mère essuie mes joues humides. Je ne lui ai pas dit la vérité.

Ce n'est pas que Dame Lune ne me parle plus, c'est que j'ai trouvé un moyen pour ne plus l'entendre. Définitivement. Et tant pis si ça risque de me rendre malade les soirs de pleine Lune. Peut-être que c'était juste un mensonge de la Dame pour que je reste avec elle.

RPG, en route pour Grenzadiel ! (MM, queer)Où les histoires vivent. Découvrez maintenant