Chapitre 2

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          Quelques minutes plus tard, je m'installais confortablement dans le Grand Hall. J'aimais me percher dans les hauteurs et épier les conversations, sentir la chaleur de la convivialité, si proche et si lointaine à la fois. En contrebas, une chevelure verdoyante attira mon regard. Myr – sa lumière, me fascinait. Si les apparences pouvaient tromper, personne ne dupait la magie. Je clignai des yeux, rétablissant ma vision normale - être ébloui par les particules de magie entravait ma vigilance. Myr inspectait son épingle, ennuyée. Elle avait l'air si concentrée et certaine que le bijou lui apporterait des réponses... l'attache aurait pu se mettre à parler et je n'aurais pas été surprise.

Le bijou dans une paume, un récipient en métal dans l'autre, son intense réflexion ne semblait pas préoccuper sa jumelle. Elna se contentait de lui faire avaler une cuillerée de soupe, de temps à autre, en grignotant un morceau de pain. Le repas frugal n'avait rien d'étrange, mais les provisions devaient manquer. Un tel plat était habituellement réservé pour le souper. Mais les Gardiens en charge finiraient par ravitailler le Sanctuaire, après tout, ils étaient responsables de plus d'un millier de vie.

Myr soupira, épingla ses cheveux feuillage en un chignon flou et prit la parole :

- Quand Nhor revient-il ?

- Demain matin, répondit Elna. Pourquoi ?

- Rien, je me disais juste que ce serait dommage qu'il revienne de sa première expédition sans présents. Je n'ai pas arrêté de lui parler de ces colliers ambrés, tu sais ? ceux qui reflètent si bien les rayons du soleil, rêvassa Myr, les yeux perdus dans le vague. J'aurais vraiment aimé en avoir un... Soupira-t-elle.

- Tu aurais pu lui demander directement.

Si un regard pouvait tuer, Elna serait morte aujourd'hui.

- Évidement que je ne lui ai pas demandé ! Je veux que ce soit un cadeau, grommela Myr.

Elna posa son bol et se pencha vers l'elfe, plongeant son regard pourpre dans celui de sa jumelle.

- Tu en pinces pour Nhor.

- Non ! protesta Myr en tournant au rouge pivoine.

Un rire léger s'éleva, noyé dans l'océan de bruits du Grand Hall. Je ricanai. Un aveugle aurait remarqué ses sentiments, Nhor devait vraiment être obtus.

Je portai une oreille distraite à la suite de leur conversation, préférant observer les autres occupants du Sanctuaire.

Sur le millier d'habitants du Sanctuaire, quelques dizaines manquaient à l'appel : les membres de la dernière expédition. Sans se soucier de rien, près de trois cents d'apprentis mangeaient allègrement. Ils profitaient du moment de réunion pour échanger sur les derniers potins, avant de retourner vaquer à leurs occupations. Sélène avait encore emprunté les parures de sa mère pour se pavaner devant les Gardiens, mais avait fini tête la première dans la soupe, les dieux savent comment. Sa mère, enragée, lui aurait ordonné de copier une centaine de fois l'un des parchemins de Sage Éréa. Certains trouvaient la sanction injuste, d'autres pouffaient, ou tentaient vainement de cacher leur sourire. Les conversations et les rires résonnaient, donnant vie à la salle dénuée de décorations. De forme circulaire, le hall servait aussi à prier, ou aux rares réunions. Presque aussi large que le Sanctuaire lui-même, son immensité était éclipsée par un arbre d'obsidienne. Nous l'appelions aussi l'arbre sacré. Je jouais à l'équilibriste sur l'une de ses branches noires, évitant habilement les rameaux plus hauts. Trônant au centre de la pièce, la sculpture majestueuse étendait ses rameaux vers le plafond haut et faisait tinter ses feuilles d'opaline au-dessus des apprentis. Les jeunes gens attendaient avec impatience leur majorité, pour certains, alors que d'autres sortaient à peine de l'enfance. Elna et Myr avaient fêté leur vingtième anniversaire deux semaines auparavant. Il leur restait une semaine avant de choisir officiellement leur voie, lors du jour du Choix. Myr hésitait encore, mais Elna était décidée : elle serait Gardienne. L'elfe n'avait jamais aimé étudier les textes et les théories magique, ce qui l'attirait, c'était l'aventure, l'adrénaline qui gonflait son cœur à chaque combat. Ça, c'est ce qu'elle pensait, mais si elle y avait réfléchi un instant, elle saurait que le Sanctuaire n'offrait pas de danger à braver. Seules les expéditions donnaient l'illusion d'une aventure exaltante.

Sêptenrion: L'enfant Des DieuxWhere stories live. Discover now