- Dix minutes, pas une de plus, pas une de moins. Règle ta montre et active le chrono dès que tu rentres. Tiens-toi loin des murs, des vitres et du fond du bâtiment.

- Tu comptes faire exploser un mur ?

Il sourit en me voyant tourner la tête à la recherche d'une caisse remplie de « feux d'artifices ».

- T'inquiète beauté, le c4 est dans une autre voiture, garée derrière le commissariat.

Je soupire, soulagée de ne pas me trouver près d'une bombe à retardement.

- Et une fois que vous l'avez fait sortir ?

- On te récupère devant le commissariat.

- Comment ? La police va être dans tous ses états : vous allez vous faire repérer !

Gabriel éclate de rire. Je commence à me demander ce que j'ai dit de si drôle quand Angelo freine brutalement, pile devant le commissariat. Je me serais cognée contre le siège avant si Gabriel ne m'avait pas retenue. Au moment où je m'apprête à sortir, il me retient par le bras :

- Tu vois le 4x4 noir dans la rue, sur la gauche ?

- Oui.

Il me lâche avec un clin d'œil et me fait signe de sortir de la voiture. Je pousse la porte transparente du poste de police et règle ma montre sur dix minutes. Je m'avance vers un guichet libre et sort un billet de mon sac.

- C'est à quel sujet ?

Le policier n'a même pas levé la tête pour me parler.

- J'aurais besoin de votre expertise, dis-je d'un ton mal assuré, mon employeur m'a payé en liquide mais les billets m'ont l'air bizarres.

Quand Gabriel m'a tendu cette liasse de billets dans la voiture, j'ai tout de suite compris qu'il voulait que je les utilise pour embobiner les policiers. Je pose celui que j'ai dans les mains sur le comptoir et attrape le reste. Mais avant que je les sorte, le policier me demande ce que je redoutais :

- Vos papiers d'identité Mademoiselle.

Et zut ! Je cherche frénétiquement lesdits documents, sachant pertinemment que Gabriel les a gardés. Le policier n'a pas l'air de se sentir concerné et soupire :

- Si vous n'êtes pas en mesure de me fournir une pièce d'identité, il va me falloir les coordonnées de votre patron Mademoiselle. 

Je m'affole : Gabriel m'a demandé de le tenir occupé pendant dix minutes et ça n'en fait même pas deux que j'ai passé la porte !

- Je ne viens pas pour me plaindre, Monsieur l'agent. Je veux juste savoir si ces billets sont des vrais ou des faux !

- Déjà, comment ce fait-il qu'il vous ait payée en liquide?

Je hausse les épaules en espérant avoir l'air perdue, puis le policier soupire et appelle sa collègue. Celle-ci quitte la salle de pause et attrape un billet sans m'adresser un regard. Elle l'examine à la lumière puis, semble être surprise.

- Ben mon vieux, dit-elle en se tournant vers son collègue, en dix ans de carrière je n'ai jamais vu un faux aussi bien imité.

Elle tend le billet à son collègue et attrape la liasse que je viens de poser sur le comptoir. La policière en prend un au hasard et l'examine comme le précédent. Je jette un coup d'œil à ma montre : il me reste six minutes avant le feu d'artifice. Je vais devoir trouver mieux que ces faux billets si je veux les occuper tout ce temps. Mais apparemment, Gabriel avait prévu que je n'aurais rien de plus à faire que de poirauter devant les flics car la policière, après vérifications, se rendit compte que le billet de banque qu'elle tenait à la main n'était pas un faux ! Elle appela ses collègues et cinq secondes plus tard, cinq policiers se démenaient pour différencier les vrais billets des faux. Tout en les examinent, certains me posent des questions sur mon employeur et sur mon travail. Questions auxquelles je m'efforce de répondre le plus vaguement possible. J'en oublie de consulter ma montre et ce n'est qu'au dernier moment que je me rappelle ce qui est censé se produire. 3... 2... 1... je plonge derrière le comptoir au moment même ou le c4 explose. La tête entre les mains, j'entends plus que je ne vois les vitres se briser en mille morceaux. Pétrifiée, je ne remarque pas tout de suite que le 4x4 noir sort de la ruelle et se dirrige lentement vers le commissariat. Puis, des coups de feu retentissent derrière moi, provoquant une panique sans nom dans la rue. Pour moi, c'est le signal du départ : je sors de ma torpeur et cours aussi vite que je le peux vers le 4x4. J'ai à peine eu le temps de fermer la portière que le chauffeur démarre en trombe. Je manque de me cogner à la boite à gants et boucle ma ceinture en hâte. Ma respiration est saccadée et mon cœur tambourine comme un fou dans ma poitrine. Le chauffeur me jette un regard de biais et me tends un mouchoir. Je le prends, et devine que je dois avoir un peu de sang sur le visage. Au moment où je vais m'en servir, je m'arrête brusquement, méfiante. Il y a une forte odeur d'alcool sur le mouchoir. Je m'apprête à vérifier auprès du conducteur quand celui-ci me plaque le mouchoir sur la bouche et le nez.

- Du calme, me dit-il, inspire doucement.

Je cherche à me débattre mais le chloroforme commence déjà à faire effet et en moins de temps qu'il n'en faut pour le dire, je suis dans les vapes. 

Stone Heart MafiaWhere stories live. Discover now