- Tu t'es trompé Kyle, ce n'est pas elle.

- Et comment j'étais censé le deviner, se défend le prénommé Kyle, elle a filé tellement vite que j'ai à peine eu le temps de voir son visage.

- C'est vrai qu'elle est rapide, renchérit un autre, j'ai failli la perdre de vue plusieurs fois.

Kyle s'approche de moi, l'air menaçant. Je recule d'un pas rapide et heurte le mur de béton. L'homme m'attrape par les cheveux et braque le faisceau lumineux de sa lampe en plein dans mes yeux. Il a un rire mauvais, sans joie et se tourne vers ses collègues sans me lâcher.

- Il n'empêche qu'elle est plutôt mignonne. M'en voudrez pas d'avoir confondu.

- Ça suffit Kyle, intervînt l'homme qui m'a identifié comme n'étant pas celle qu'ils cherchaient, laisse-là. Si tu continues on va devoir l'emmener avec nous.

- J'y compte bien figure-toi.

- Kyle, menace-t-il, je te préviens que si tu ne la lâche pas sur-le-champ je te refile aux poulets dans un paquet cadeau.

Kyle grommelle une phrase incompréhensible et sors de la ruelle.

- Angelo, suis-le. Assure-toi qu'il ne fasse pas de bêtises.

- A tes ordres, chef !

- Les autres aussi, continue le chef, laissez-moi une minute avec mademoiselle, je lui dois quelques excuses.

Les deux hommes de mains restants quittèrent les lieux sans un mot et leur chef retira sa cagoule. Je reste un moment décontenancé en reconnaissant l'homme qui me zieutais dans le cybercafé. Il me lance un sourire charmeur qui, s'il me fait fondre un tout petit peu, ne me rassure pas pour autant.

- Désolé de t'avoir fait peur mais il semblerait que mon ami ait des problèmes de vue.

- Qu... qui êtes-vous ?

- J'aimerais te le dire mais ce ne serait pas prudent.

- Vous êtes des agents secrets ?

- En quelque sorte, me répond-il avec un sourire, disons que nous travaillons dans l'ombre.

Je commence à me demander si je n'aurais pas mieux fait de rester devant la Lamborghini quand un bruit de moteur se fait entendre au loin.

- Je dois partir. Mais si je puis me permettre un conseil, évite de fuir la police.

Mon sang ne fait qu'un tour : comment peut-il savoir que je me suis enfuie en entendant les sirènes de police ? Je m'apprête à lui poser la question quand il me coupe l'herbe sous le pied :

- On ne t'espionnait pas mais le coup de la Lamborghini, c'était Kyle. Il était encore dans le coin quand tu es sortie de chez toi et il t'a vue fuir en entendant les flics approcher. Ça lui a mis la puce à l'oreille.

- J'y suis pour rien si je me fais coffrer à chaque fois !

- Bien sûr que non. Mais comme il va falloir que tu rentres chez toi un jour, tu vas forcément passer par la case « poste de police » et peut-être même « détention provisoire » puisque tu as fui.

- Bof, un peu plus un peu moins...

- Oui, mais ne va pas leur raconter la course-poursuite, ça te...

- Pourquoi, le coupais-je.

- Parce que Kyle va vouloir te surveiller et je n'ai aucune raison valable de ne pas le laisser faire.

Je traduis en silence : « Si tu tiens à la vie, boucles-la ». Compris chef, no problem. « Chef » me tourne le dos et sors de la ruelle. Deux secondes plus tard, j'entends un crissement de pneus et le son d'un moteur qui s'éloigne. Incapable de bouger un orteil, je reste figée sur place, trempée par la pluie qui s'est remise à tomber. J'attends d'être sûre que je ne vais pas tomber dès le premier pas. J'attends que mon cœur retrouve un rythme normal. J'inspire profondément et me met en marche d'un pas hésitant. Je ne sais même pas où je suis et impossible de demander mon chemin puisque les rues sont désertes. Je déambule dans les rues sans trop savoir où je vais et tombe miraculeusement sur la rue principale. Je suis le trottoir et arrive chez moi plus vite que je ne l'aurais voulu. Une douzaine de policiers trempés et mal réveillés s'activent autour de la Lamborghini bleue et semblent ne pas remarquer ma présence. Je m'apprête à rejoindre mon immeuble quand une banderole jaune et noire attire mon attention. Malgré le vent qui la fait bouger dans tous les sens, on peut facilement y lire : « scène de crime, défense d'entrer ». Génial, maintenant je fais comment pour rentrer chez moi ? Une policière à la peau mate me remarque et s'approche de moi rapidement.

- Désolée Madame la zone est sécurisée.

- Et les gens qui habitent dans les immeubles ?

- On leur a donné un pass qui leur permet de franchir la banderole pour rentrer chez eux, maintenant, circulez !

- Je voudrais bien circuler Madame, répliquais-je, mais j'habite au 110, appartement 8.

- Et je peux savoir ce que vous fabriquez dehors à une heure pareille, me demande-t-elle avec suspicion.

- J'avais envie de prendre l'air.

- Mouais... allez-y.

Je la remercie d'un sourire et pousse la porte de mon immeuble. J'entends une de mes « charmantes » voisines se plaindre du tapage occasionné par le crash de la Lamborghini. Je passe furtivement derrière les policiers en priant pour que ceux-ci ne me remarquent pas quand ma peste de voisine me salue de sa voix suraigüe :

- Miiiiiaaaa, siffle-t-elle, que fabriquais-tu dehors avec une pluie pareille ?

Et allez ! Si la policière d'en bas ne m'avait pas fait d'histoires, là, je suis bonne pour le commissariat. Les policiers se retournèrent lentement et l'un deux me toisa de la tête aux pieds. Ma chère voisine venait de détruire mes espérances de passer la nuit au chaud sous ma couette. En même temps, je ne me suis pas montré bien maligne : Jessica Travers, la concierge auto-proclamée de l'immeuble, adepte de la théorie du complot, trouve toujours un moyen de me causer des ennuis. Je réponds donc avec un sourire acide, la même chose qu'à la policière :

- J'avais envie de prendre l'air.

- Par un temps pareil, s'égosilla ma voisine, mais tu vas attraper mal ma bichette.

- D'une, je fais ce que je veux, de deux, depuis quand ma santé vous intéresse ?

Du coin de l'œil, je vois les policiers retenir un rire. Je commence à me dire que c'est gagné quand l'un d'eux reprends brutalement son sérieux et me sort une phrase que j'ai déjà entendue plusieurs fois :

- Madame, nous allons vous demander de nous suivre.

Bingo ! Adieu lit douillet et bonjour les ennuis.

- Je peux quand même passer chez moi pour mettre des vêtements, dis-je en me rappelant que je suis sortie en pyjama, je risque pas de sauter par la fenêtre pour m'échapper j'habite au huitième et il y a vos collègues en bas.

Les policiers hochent la tête et je me rue dans monappartement en attrapant les premiers vêtements qui me tombent sous la main. Jesors deux minutes plus tard et suis les deux hommes vers la voiture de policesous le regard suspicieux de Madame Travers.

Stone Heart MafiaOù les histoires vivent. Découvrez maintenant