Pink Lock : Je t'aime

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Et voilà pour ma nouvelle participation à Pink Lock. Cette fois-ci, l'épreuve consistait à écrire une scène romantique visant à présenter la révélation des sentiments de deux amoureux, dans un lieu particulier. J'ai choisis le plus romantique de tous, la station service :) N'hésitez pas à me dire ce que vous en pensez et d'aller voter lors du sondage de apprenti0auteur


"— Bordel de m... souffla Tyron.

J'émergeai de l'état second dans lequel j'étais, prostrée sur le siège avant, la tête levée vers les étoiles, et me tournai vers le conducteur. L'homme fronçait les sourcils d'un air soucieux, passant une main sur sa barbe de quelques jours, l'autre restant sur le volant.

— Quoi, encore ? soufflai-je d'un ton agacé.

— On va manquer d'essence. Il faut qu'on s'arrête à la prochaine station.

— T'es sérieux ? On est qu'à dix minutes de la ville, il est deux heures du matin, on a eu une journée épuisante et tu veux t'arrêter prendre de l'essence ?

— Si je le veux ? répéta l'homme en plissant le nez. Non, je ne le veux pas. Mais je veux encore moins me retrouver en panne au bord de la route et attendre des heures une dépanneuse.

Le soupir que je poussai lui fit rouler les yeux et je détournai la tête, agacée. Comme d'habitude, ni l'un ni l'autre n'étions prêts à revenir sur nos positions et à nous excuser de nos comportements respectifs lors de notre dispute, plus tôt dans la journée. Le silence s'empara à nouveau de l'habitacle – le regard noir que j'avais lancé à Tyron lorsqu'il avait essayé de mettre de la musique l'en avait dissuadé et, bientôt, notre véhicule s'engagea sur la route d'une station-service.

Tyron s'arrêta devant les bornes à essence et coupa le moteur. Nous restâmes un moment immobiles, silencieux, avant que l'homme ne se décide à bouger. Il ouvrit sa portière, hésita puis lança :

— Je vais chercher un café. Tu veux quelque chose ?

Je me tournai vers lui pour lui adresser un regard meurtrier. Un café, vraiment ? Je n'avais qu'une hâte, retrouver mon lit et mon chat. Trainer avec le collègue qui m'avait insulté et qui m'avait ris au nez quand je lui avais déclaré mes sentiments ne faisait pas partie de mes priorités actuelles. L'homme prit mon silence pour un non et claqua la portière, avant de s'enfoncer dans la nuit en direction du bâtiment de la station-service, dont les lumières grésillaient tristement.

— Connard, murmurai-je dans le vide, mes doigts tapotant sur le tableau de bord.

Je me penchai sur le siège conducteur pour rallumer le contact- et surtout le chauffage. Le moteur se ralluma et la chaleur revint presque automatiquement. Alors que j'étais en train de me redresser, je me figeai, les yeux sur le tableau de bord. Le voyant d'essence, celui-là même qui devait être vide, était plein à plus des trois-quarts. Nous n'étions pas du tout en manque d'essence, au contraire. Alors quoi bon tout ce cirque ?!

S'il faisait tout ça pour un stupide café, il allait m'entendre. J'éteignis le moteur, récupérai les clés et sortis, claquant violemment la portière derrière moi. Je rejoignis à grand pas la station-service, faisant fi du vent qui claquai dans mes oreilles et du froid qui gelai mes os. J'arrivai à l'intérieur et fut assaillie par un mélange d'essence, d'urine et de produits nettoyants. Je plissai le nez et inspectai les lieux. Au milieu du couloir désert, des magasins fermés et des portes menant aux toilettes, Tyron. Il se dirigeait vers moi, deux tasses entre les mains, un sourire anormalement hésitant sur les lèvres en me voyant.

Je restai immobile, sur mes gardes. J'ignorais ce qu'il mijotait, mais je me méfiais désormais de lui comme la peste. Il s'arrêta devant moi et me tendit une des tasses.

— Un chocolat chaud au caramel. Ton préféré.

Ses yeux brillaient d'une lueur d'espoir nouvelle, espérant faire la paix à travers un chocolat chaud. Il se plantait bien ! Mais ça ne m'empêcha pas d'accepter la tasse, envieuse à l'idée de me réchauffer. Je la serrai entre mes mains glacées et regardai l'homme par en dessous.

— Est-ce que je peux savoir pourquoi...

— J'suis un abruti, me coupa-t-il brusquement.

— C'est pas nouveau, maugréai-je. Mais pourquoi...

— J'ai eu peur, me coupa-t-il à nouveau, parlant vite comme s'il avait peur de ne plus oser. Je sais qu'on fait un métier risqué mais... ça fait combien de temps qu'on fait équipe ensemble ? Deux ans ?

J'hésitai, sans comprendre où il voulait en venir, reculai d'un pas, répondit d'un murmure.

— Trois.

— Trois ans. Et t'as toujours été la petite nouvelle agaçante, qui croit tout savoir sur le monde parce qu'elle est la plus jeune à avoir intégré la police depuis des années. Mais, même au début... ça ne m'a pas empêché d'avoir peur pour toi. Tu prends des risques inconsidérés, tu te jettes dans le feu de l'action comme si t'étais dans un jeu vidéo. Mais c'est la vraie vie, Jo ! Et aujourd'hui, tu n'es plus nouvelle, tu n'es plus jeune, mais ça ne m'empêche pas d'avoir peur pour toi.

— Tu m'as traité d'hystérique ! m'énervai-je en reculant à nouveau. Et de folle à lier. Avoir peur pour moi, ça n'excuse pas ça.

— Je... je ne voulais pas. Mais tu t'es jeté sous les balles de ce type en criant que tu m'aimais...

— Et clairement, c'était une erreur, rétorquai-je sèchement.

Je me détournai et, quelques pas plus loin, balançai ma tasse encore pleine dans une poubelle avant de me diriger vers la sortie. J'allais partir d'ici, avec ou sans lui. J'entendis Tyron crier mon nom. Il me rattrapa à la porte et, avant que je ne puisse l'ouvrir, s'appuya sur le battant pour m'en empêcher. J'étais forte, peut-être même plus que lui, et capable de le mettre à terre en une seule prise. Pourtant, je ne le fis pas, me contentant de me retourner. Je me retrouvai nez à nez avec lui ; nos visages seulement séparés de quelques centimètres, nos souffles se mêlant. Je voulus reculer, butai contre la porte fermée, m'immobilisai. Pas d'échappatoire, cette fois. Comme s'il pensait la même chose, Tyron se pencha vers moi.

— Écoute... je ne te laisserais pas fuir. Pas encore. Tu te renfermes tellement toujours dans cette carapace, derrière cette muraille infranchissable que... j'ai toujours du mal à y croire, quand tu t'ouvres à moi. Tout à l'heure... j'ai cru que t'allais mourir. Et tu as choisi ce moment-là pour me dire que tu m'aimais ! Imagine... imagine que ça eut été tes derniers mots ! Tu t'es demandé à un seul moment comment j'allais... comment j'aurais bien pu m'en sortir après ça ?

— J'suis pas morte, crachai-je, les yeux baissés, refusant de croiser son regard brûlant.

Ses doigts se glissèrent sous mon menton, m'obligeant à lever les yeux, à voir ce qu'il me cachait depuis des mois : sa peur, sa passion, sa tendresse, son émerveillement... Je voulus détourner les yeux, mais j'en fus incapable, captivée.

— Et heureusement. Je ne te l'aurais jamais pardonné. Tu ne comprends pas à quel point tu me donnes envie de me lever chaque matin, à quel point tu illumines mes journées et rends ce boulot merdique supportable. Tu sais que j'allais démissionner, le jour où t'as débarqué ? J'étais prêt à tout quitter. Et t'es arrivée, avec tout petit minois adorable, avec tes yeux de biche innocents... j'étais sûre que tu ne tiendrais pas deux jours... et ça m'a donné envie de rester. Et tu as tenu le coup, tu as encaissé toutes ces saloperies avec une force et un courage incroyable... ça fait deux putain de longues années que j'attends de voir dans tes yeux la même chose que je ressentais... mais rien. Et voilà que tu te jettes face à la mort et que tu me balances ça ? Je... j'étais perdu. Je ne savais pas comment réagir.

Je restai immobile une seconde, le cœur battant à tout rompre. Je n'avais jamais cru Tyron capable d'une telle éloquence, d'une telle passion... je n'aurais jamais cru qu'il partageait ce que je ressentais pour lui. Et si j'avais commencé à tomber amoureuse il y a des mois, cela faisait des années pour lui ! Et jamais il n'en avait parlé. Quel temps nous avions perdu, à nous tourner autour et nous engueuler pour deux broutilles. Je lâchai un soupir, souris, caressai sa joue.

— Comme ça, abruti.

Et là, collée contre la porte de la station-service, entourée des odeurs d'urine et de café, dans l'endroit le moins romantique du monde, sous les lumières blanchâtres grésillantes, je l'attirai contre moi et écrasai mes lèvres sur les siennes."

Words from Heart - Recueil de nouvellesOn viuen les histories. Descobreix ara