Chapitre 11 - Les fugitifs

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Oscar

            — Je dois y aller, tu m'attends ici ? Fanélia est ma garde du corps. C'est aussi une amie. On n'en aura pas pour très longtemps.

            Oscar hocha la tête. Isidore lui sourit pour le rassurer, puis se leva. Le jeune homme l'observa s'éloigner pour rejoindre la faë balafrée. Celle qui l'avait conduit ici, après l'avoir mené aux bains pour qu'il puisse se laver. Il avait eu du mal à savoir si elle l'appréciait ou non. Aucune émotion ne parcourait son visage, à l'inverse d'Isidore, très expressif. L'artiste éloigné, Oscar resta seul dans la chambre. Il baissa la tête et vit le carnet à croquis, abandonné sur le sol. Son portrait s'y étalait, il avait du mal à se reconnaître, comme s'il avait pris plusieurs années depuis la dernière fois qu'il s'était vu. Chez lui, sa mère n'avait qu'un vieux miroir qu'il utilisait parfois pour se coiffer lors de la fête des moissons ou pour se raser. Jamais personne n'avait souhaité le représenter sur une toile, encore moins le dessiner. Son père n'avait jamais exigé de savoir à quoi il ressemblait.

            Il se mordit la lèvre inférieure. Fanélia les avait interrompus au pire moment. Si elle était intervenue quelques secondes plus tard, il aurait su qui était son père. Isidore s'apprêtait à lui donner son identité. Ce devait être quelqu'un d'important pour que les faës s'intéressent à lui et pour que sa mère ait dû se cacher toutes ces années. Oscar se pencha et récupéra le carnet sur le sol. Même sans être expert en arts, il reconnaissait qu'Isidore était doué. Le personnage représenté – lui – paraissait réel. Il avait l'impression de se contempler dans un miroir.

            Au loin, il n'entendait que le chuchotement de la conversation entre Isidore et Fanélia, qui se tenaient sur la terrasse. Même s'il ne comprenait pas ce qu'ils se disaient, l'échange semblait houleux. Isidore faisait les cent pas, les mains dans les cheveux. Son expression avait changé. D'enjoué, il paraissait désormais inquiet. Fanélia le saisit par le bras et le rapprocha d'elle, comme pour le calmer. Oscar aurait bien aimé savoir ce qu'ils se disaient. Pourquoi avait-elle refusé de parler devant lui ? Ses informations étaient-elles confidentielles ou le concernaient-elles, lui ? 

            Pendant qu'ils parlaient, Oscar en profita pour jeter un regard autour de lui. Trop apeuré et inquiet à son arrivée, il n'avait pas pris le temps d'observer. La chambre ressemblait à une forêt. Des toiles reposaient sur des chevalets, du lierre grimpait sur les meubles. Des livres croulaient sur des étagères, sans aucun classement. Son regard finit par se poser sur la porte.

            Les faës étaient occupés, c'était le moment idéal pour s'enfuir. Il ignorait où se trouvait le château, où il se trouvait, mais il ne pouvait pas rester ici, prisonnier de ce palais. Les Immortels finiraient par se lasser de le peindre ou de le découper pour l'envoyer à un père dont il ignorait tout, mais que tous semblaient connaître. Il devait s'échapper. Vite.

            — Qu'est-ce que j'ai fait ?

            — Isis ! Calme-toi. 

            Au loin, les voix de Fanélia et Isidore lui parvinrent, plus fortes. Ils se disputaient. La garde du corps serrait le poignet d'Isidore, pour l'empêcher de tourner en rond. Il paraissait perturbé, répétant des mots en boucle, à la limite de la folie.

            — Ils vont s'en servir ! criait le peintre. Je dois tous les détruire.

            — Calme-toi !

            — Depuis quand sont-ils au courant ? Est-ce que d'autres ont utilisé mes portraits pour se venger ? Et cette fille, la fiancée de l'ambassadeur, comment va-t-elle ? Est-ce qu'Arzel a mis la main sur d'autres toiles ? Il faut que je les retrouve. Toutes ! Je dois les détruire. Je dois ...

La mélodie des abeilles [Cosy Fantasy Queer]Onde as histórias ganham vida. Descobre agora