Chapitre 4 - L'ordre de la Ruche

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Fanélia

Une semaine s'était écoulée depuis que Valère les avait conduits au cachot. Une semaine qu'Isidore ne dormait presque plus. Il se réveillait en hurlant, puis se levait précipitamment pour se réfugier dans ses carnets à croquis. Fanélia était restée avec lui les premières nuits. Elle lui chantonnait une mélodie quand il se réveillait, le front luisant de sueur, après un cauchemar. C'était la reine qui la lui avait apprise. Elle disait qu'enfant, c'était la seule chose qui l'apaisait. Mais cette nuit, Fanélia avait rejoint le dortoir des soldats de l'Ordre, où elle résidait. Ce n'était pas qu'elle ne voulait plus rester auprès de lui, c'était seulement qu'elle avait besoin de calme, et surtout de fermer l'œil quelques heures si elle voulait pouvoir effectuer efficacement son travail.

En général, les gardes du corps partageaient leur temps entre celui ou celle qu'il protégeait et le dortoir de l'Ordre. Philippine, garde du corps de la reine Ophélianne, ne la quittait jamais, Fanélia la voyait rarement. Si Fanélia appréciait passer du temps avec Isidore, parce qu'il était son ami, avant qu'elle ne soit sa garde du corps, elle aimait aussi retrouver le calme feutré de son dortoir et partager des repas avec les membres de l'Ordre.

— Le prince est trop sensible.

Sauf quand l'un des membres s'appelait Silas Vilant.

Ce matin-là, Fanélia s'entraînait dans la cour du château. Armée d'une épée courte, elle opérait des mouvements du bras droit, abaissant ses jambes par intermittence dans des flexions, afin de s'étirer et de bouger, après plusieurs jours d'inactivité. Le maniement de l'épée, et des armes en général, demandait un entraînement quotidien. Ses muscles, sans cesse sollicités, pouvaient rapidement se retrouver perclus de courbatures si elle manquait ses exercices. Elle était seule dans la cour lorsque Silas entra, suivi de près par Ylian, le protecteur du roi Andonéïs, et de Léontine, la garde du corps d'Arzel.

À cette heure, en général, les cinq protecteurs étaient rejoints par des soldats de l'armée, ou des gardes du palais, qui venaient s'exercer à leur côté. Ce n'était pas le cas ce matin, la garde ayant été mobilisée pour une mission sur le port. En entendant Silas, Fanélia fit de son mieux pour étouffer la colère qui enflait dans sa poitrine. Elle ne supportait pas ce faë fanfaron et il lui rendait la pareille. Des cheveux blonds, méchés de touches bleues, tressés dans son dos, Silas ne portait qu'une chemise de lin ouverte sur sa large poitrine bronzée. Enfant de pêcheur, il avait passé de nombreuses heures sur les quais, avant d'intégrer l'Ordre. Lorsqu'ils étaient mobilisés, ils portaient tous un uniforme, arborant l'abeille royale sur la poitrine. Pour l'heure, chacun avait revêtu une tenue plus légère, si bien qu'on les aurait cru de simples soldats ou paysans. Sauf que personne ne se serait risqué à les attaquer au palais, sachant ce qu'ils étaient.

Un sourire étira les lèvres de Silas, alors qu'il faisait tourner sa propre épée. Il la pointa vers le ciel, en direction de la fenêtre d'une des tours du palais.

— Tu ne devrais pas critiquer le prince Isidore, lui dit Léontine.

— Je dis seulement qu'il est faible, en quoi est-ce un mensonge ?

— Retire ce que tu as dit, répliqua Fanélia.

— C'est la réalité ma belle, ouvre les yeux ! Cela doit être long de passer des journées à ses côtés, il ne fait que peindre et parler fleurs. Tu ne t'ennuies jamais ? Au moins, le commandant Valère sait rendre le temps intéressant.

— Ferme-là Silas !

Fanélia s'efforçait de ne pas l'écouter, ce qui n'était pas facile. Elle s'affaissa sur son genou droit, tendit la jambe gauche derrière elle et leva son épée. Tout en effectuant un quart de tour, elle abattit le tranchant de sa lame sur celle de Léontine qui s'était glissée derrière elle. Les deux faës s'affrontèrent du regard, avant de tourner sur le terrain d'entraînement, épées brandies, attendant que l'une ou l'autre attaque. Léontine fut la première. Son pied partit vers l'avant, Fanélia fit un pas en arrière. La lame manqua de près sa gorge, elle se baissa, passa sous l'arme et frappa du plat de la sienne. Pendant plusieurs minutes, elles se défièrent, avec pour spectateur Silas et Ylian, jusqu'à ce que le garde du corps du roi – ennuyé de rester immobile – se jette dans la mêlée. Silas resta à distance, comme si tout cela ne l'intéressait pas, se contentant de remettre en place les armes abandonnées sur le sol par Fanélia.

La mélodie des abeilles [Cosy Fantasy Queer]Where stories live. Discover now