Cœur Obscur [Tome 2]

| Chapitre 21 |

Le parfum de l'alpha me survole avant qu'il n'empoigne mon épaule pour me forcer à me lever. Il me met derrière lui, comme pour me protéger, alors que je baisse mon attention sur mes ongles sorties.

— Ne le provoque pas.

— Je ne faisais rien de tel, nous discutions simplement.

— Ton loup n'a que trop peu de contrôle sur lui-même. Il ne peut pas repartir, Lincoln.

Amara se joint auprès de sa compagne.

— Et tu le sais, souffle la seconde sorcière.

Sans mal, je vois un muscle de la mâchoire du métamorphe vibrer. À moitié, Lincoln tourne la tête vers moi sous une hésitation certaine. Toutefois, il ne dit rien et ne fait rien non plus.

— Nous pouvons lui apprendre, continue Amara. Rien ne presse.

— Jasper ne souhaite pas rester.

— Lincoln, intercepte Bonnie.

— Et il ne restera pas. Ni vous ni moi ne le retiendrons.

— Et sans un minimum de maîtrise, ton loup n'en sera plus un.

— Je ne suis pas venu ici dans le but que tu te mettes à lui tourner autour et à le provoquer, Bonnie. Il a pris sa décision et je la respecte.

Mon regard remonte sur le dos de l'alpha.

— As-tu ne serait-ce que la pensée qu'il va...

— C'en est assez. Ne me faites pas regretter d'être revenu.

Lincoln me fait face et sonde mon visage de ses iris onyx. Son expression n'est nullement neutre mais il ne me fait aucunement peur. Il ne l'a jamais fait et ne le fera jamais. Que je ne connaisse pas ce qu'il est ne nuit en rien à la confiance que j'ai placée en lui.

Cette situation est déplaisante, aussi bien pour lui que pour moi. Je ne suis pas stupide au point d'ignorer que mon départ iminent, le fait qu'il devra me laisser partir en dépit de son envie, ne le tiraille pas de l'intérieur.

Et je lui en suis reconnaissant.

— Tu peux marcher ?

Il est évident que je le peux. Les effets sont encore présents, cependant ils ne sont plus le poids qu'ils ont été au tout début. Je peux marcher, courir même, mais je n'en ai aucune envie.

Mon regard rencontre celui des aînées de la meute. Elles ne font rien pour me retenir, pour poursuivre cette discussion et c'est tant mieux.

— Je ne pense pas.

Sans attendre, ses mains harponnent mes hanches et me soulèvent sans aucun mal. Son odeur se fait plus prononcé autour de moi et son contact m'apporte de la chaleur et me tranquillise comme il l'a toujours fait.

Je veux profiter du plus petit contact avant que mon départ ne vienne. C'est soit ça, soit je commence très sérieusement à prendre goût à être porter.

Et j'ai ma petite idée sur la question.

L'air frais s'immisce dans ma fourrure à mesure que je cours à vive allure parmi les arbres hauts et la végétation dense de ce cocon tropical. Les éclats du soleil ne cessent de me suivre dans mon avancée et me réchauffent le cœur. Les animaux sauvages, pour les plus petits, fuient sur mon passage pendant que la forêt m'accueille en son sein comme je ne l'ai plus été depuis ma fuite de Red Moon. Je n'ai plus couru ainsi depuis cet au revoir, et recommencer ne peut me faire que me rendre compte que cela m'avait manqué. À moi, à mon loup, à nous. Nous ne sommes pas faits pour rester enfermés, indéniablement.