Il pleut. (2023)

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Il pleut.

Le gris froid et indifférent du ciel verse des cordes pluvieuses fines, douces, presque discrètes, si ce n'est là leur petit paysage qui se faufile à mes yeux, sereinement, neutrement... Les gouttelettes tombent, légères, s'abandonnent à une inévitable trajectoire verticale.

Il pleut...

Il pleut, mais la légèreté domine et la discrétion règne...

Il pleut et sûrement, la pluie sera passagère, courte et éphémère.

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Pourtant, ce petit paysage que contemplent mes yeux devient de plus en plus grand, imposant, avec ses cordes pluvieuses fines et douces qui perdent en finesse, abandonnent leur douceur et se durcissent, s'élargissent... Et elles tombent, et écrasent le sol violemment, brutalement...

La légèreté se fade et devient abrupte, et la discrétion voit son existence glacialement s'étioler...

Il pleut. De plus en plus. De plus en plus fort.

C'en était presque effrayant. C'en était presque déchirant. C'en était presque un deuil.

Il pleut.

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Il pleut...et la pluie devient un amas d'averses, d'ondées qui propagent des ondes sombres et tristes, colorées par cet orgueilleux gris qui les enlace en s'assombrissant de plus en plus... Le spectacle est tel une apocalypse malheureuse...tel la marque d'une amertume froide et éternelle...tel une fontaine de larmes qui menace de s'imposer pour toujours et ne jamais cesser, sécher...

Il pleut tellement que les jolies valeurs de l'espoir, l'optimisme, du bonheur et de son existence, voilà qu'elles se troublent, se brouillent, et voient tout leur sens se fader, peut-être même s'éradiquer...

Il pleut. Plus que jamais. Plus fort que jamais.

Il pleut.

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Il pleut, et mes yeux au début si abasourdis, ont fini par s'habituer à ce spectacle morose. Drôle de se dire que c'est devenu part de la routine, de ces choses "normales" qui occurent, juste occurent dans un certain calme, et que personne ne questionne, n'en cherche la raison...
La pluie colore désormais les quotidiens, les flaques trempent les pieds sans qu'on ne les esquive, l'éclair demeure l'unique ornement du ciel, et le tonnerre, la seule musique audible...

La pluie est devenue tout. La pluie domine partout.

Il pleut et c'est normal.
Il pleut et c'est devenu évident.

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Pourtant...
Voilà que mes yeux habitués voient brusquement la coutume d'eux s'éclipser, et retrouvent leur caractère abasourdi qui au début a régné... Le gris qui orne les environs se trouve soudain nuancé de la grâce d'une curieuse lumière jaunâtre...tendre, gracieuse, chaleureuse...curieuse, et curieusement bénie...

Comme une traînée de magie, elle s'envole dans les airs avec délicatesse et, majestueuse, sème douceur et beauté...
Le soleil avait réapparu. Lui, dont l'absence fût si longue que j'en avais oublié l'existence, est réapparu, réapparu de plus belle.

Et cette lumière solaire, que la science appelle lumière blanche, dès le tout début de l'interaction qui la joint à l'eau grisâtre, fait naître un spectre lumineux composé d'une myriade de couleurs somptueuses ; un arc-en-ciel envoûtant... Et ce phénomène que la science appelle dispersion, semble marquer le début d'une ère nouvelle, la tournure étonnante d'une page, d'un chapitre...

Parce qu'il pleut, mais les ondes sombres et tristes s'amortissent petit à petit et pour la première fois, le gris n'est plus...

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Il pleut, mais la pluie est devenue curieusement agréable...
Sûrement l'oeuvre de la disparition brutale du gris, et des milliers de couleurs qui désormais la bercent, lui offrant une identité nouvelle...

Il pleut, mais la pluie n'est plus le reflet attristé de la mélancolie...
Il pleut...mais ce n'est plus la même pluie que j'ai connue.
Le soleil, lui, continue à effectuer une danse ardente dont la grâce s'accentue petit à petit...

Il pleut...et soudain il ne pleut plus.

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Il a plu... avait plu...plut...
Mais maintenant, il ne pleut plus.

Les ondées que j'avais cru éternelles se retrouvèrent désormais ancrées dans le passé... Le présent avait comme pris son indépendance, et le voilà qui savoure fièrement cette lumière qui est devenue sa couleur et son essence...
Étonnant de voir ce vif contraste entre mes croyances et la tournure des choses...
Mais à y réfléchir, peut-être que c'était évident depuis le début, que la pluie est éphémère et que le soleil reviendra, dans un monde hallucinant où l'existence de l'ombre équivaut celle de la lumière... où la lune se bouscule, chaque mois, entre plénitude et néant... où les étoiles ne peuvent pleinement scintiller que dans la noirceur...

Les valeurs disparues de l'espoir, l'optimisme, du bonheur et son existence n'étaient finalement guère des légendes désolées après tout, mais les lois de l'existence qu'aucune pluie, aucun orage ni aucune tempête ne réussiront jamais à éteindre.

Il plut, avait plu, a plu et pleuvra de nouveau, c'était bien sûr...mais en même temps, la lumière exista, avait existé, a existé, existe et existera pour toujours...

C'est une balance ! Une équivalence !
Et comme j'avais appris à accepter la pluie, j'apprends à l'aimer, et aussi à patienter jusqu'au retour de la lumière car, c'est bien évident, la nuit ne s'éternise jamais et l'aube finit toujours par se renouvler...

(Note : L'image utilisée ne m'appartient pas : crédits à l'artiste respectif.)

𝓡𝓮𝓬𝓾𝓮𝓲𝓵 𝓭𝓮 𝓣𝓮𝔁𝓽𝓮𝓼Where stories live. Discover now