L'affaire des post-it jaune

Chapitre 9

(J)

C'est alors que je le vois.

Il vient de passer devant ma cabine sans savoir que j'y étais. Le soulagement que je ressens en le voyant me donne envie de rire, alors que ce n'est absolument pas le moment. Je m'approche doucement, attrape son bras, et l'attire le plus fort possible dans la cabine. Je pose une main sur sa bouche et je presse fort, hors de question de se faire repérer. De l'autre main, je ferme la porte et ferme le verrou. Il va pour me repousser, mais je m'empresse de lui chuchoter :

-Chut Terry, c'est moi !

Il s'arrête de bouger... Puis me sert contre lui. Ce contact me fait du bien... Il est en vie, il leur a échappé... Que demander de plus... On garde le silence quelque instant, puis il demande :

-On est où là ?

-Je ne sais pas exactement, mais il y a un verrou.

Je sors mon téléphone de ma poche, et active le flash. Un bureau avec une bouteille d'eau, une chaise, un téléphone mural, des vêtements sur un porte manteaux, une banquette, pas de vitre, rien de plus.

-Ça ressemble à une cabine de contrôleur, dis-je en faisant le tour de la pièce avec la lumière.

-Tu es sûre que c'est bien fermé ?

Je passe la lumière sur lui, reflexe logique après avoir entendu sa voix, et ce que je vois me choque. Il est blessé, et ça a l'air sérieux...

-Terry, ta tête !

Je me précipite vers lui, paniquée. Il saigne, et je ne sais pas si c'est grave... J'essaye de me souvenir des gestes apprit lors de ma formation AFGSU2*, que je passe en même temps que mon certificat de prélèvement, mais rien ne me vient. Malheureusement, ou heureusement, nous n'avons pas l'occasion de mettre ça en pratique très souvent. Ce n'est pas un malaise vagal de temps en temps qui forme à réagir en cas de blessure, et j'en ai le parfait exemple.

Mais tu l'as déjà soigné.

C'est vrai, quand ça a dérapé à l'anniversaire de Coralie, j'avais soigné sa blessure. Il m'avait défendu, et je me souviens avoir mis beaucoup de chose en question ce jour-là, notamment la manière dont Luc me traitait. Et le peu d'intérêt qu'il semblait me porter. Alors que Terry semble toujours se soucier de moi...

Je déroule mon écharpe, et la pose là où me semble venir le sang, mais je ne suis sûre de rien. Pendant qu'une partie de l'écharpe appui fermement sur la blessure, en tachant d'ignorer la grimace de Terry, une autre partie essuie son visage du sang qui a coulé. Je ne sais même pas comment il a fait pour arriver jusque-là sans attirer l'attention. Je demande à Terry de prendre le relais pour tenir l'écharpe, et je vais chercher la bouteille d'eau. Je mouille un coin épargné, puis recommence, jusqu'à ce que son visage retrouve un semblant de normalité. On devine sur ses trais qu'il souffre... Je profite de cette proximité pour le regarder, vraiment... 

Il n'est pas un canon, pas de ceux qu'on voit dans les magasines, ou qu'on lit dans les descriptions des livres de romance. Son visage a des défauts, mais se sont comme des histoires qu'il me raconte. Une blessure quand il était jeune ? Une mauvaise habitude à se gratter ? Peut importe, ses défauts me vont. Je ne suis pas parfaite après tout.

Ses lèvres sont pleines, et son regard vif. Il est beau, de cette beauté qui devient évidente quand on a un peu parlé avec lui. Il a du charme. Même là, le visage en sang et déformé par la douleur. 

-Je vais regarder ta blessure...

J'avale ma salive difficilement, j'ai horreur des blessures... Souvent les gens se moque de moi, parce qu'ils ne comprennent pas que je fasse des prises de sang mais que je n'aime pas les bobos. Je leur explique que ça n'a rien à voir, que je ne suis pas infirmière. Voir du sang dans un tube avec comme unique blessure un trou plus petit qu'une tête d'épingle, et voir une personne souffrir due à un vrai traumatisme, ça n'a vraiment, mais alors vraiment rien à voir. Mais en vain...