L'affaire des post-it jaune

Chapitre 7

(J)

Mon premier réflexe est de me baisser vers mes chaussures. Est-ce que j'ai bien vue ? Est-ce que mon imagination ne me joue pas de tours ? Et comment ils ont fait pour être dans ce train ? Personnellement j'étais sûre de l'avoir semé !

Des trains pour Marseille, il n'y en a pas des masses !

Je me relève doucement et je regarde si l'homme que j'ai vu est bien celui qui nous recherche. C'est bien lui et je suis horrifiée par sa taille. Je dois vite trouver une solution pour me sortir de là. Je repère à quelques sièges de là une bande de jeunes qui discutent bruyamment. Je relève ma capuche légèrement, remonte mon écharpe autour de mon cou, attrape mon sac, et prends mon courage à deux mains. Je profite qu'il s'attarde sur quelques sièges devant pour me faufiler entre les sièges et rejoindre la bande d'ados.

Quand je m'assois à côté d'eux, leur conversation s'arrête soudainement. Je m'adresse à eux avec mon plus grand sourire essayant de cacher toute nervosité :

- Hey ! salut excusez-moi de vous déranger vous connaissez Marseille ? je dois me rendre là-bas pour une formation et j'aimerais savoir s'il y a des coins sympas à visiter ! je me suis dit que vous pourriez peut-être me renseigner...

Les jeunes gardent le silence. J'ai la sensation que mon subterfuge ne fonctionne pas. Ils vont alerter le contrôleur, et qui va me repérer... Mais contre toute attente, le plus jeune me sourit à son tour et commence à m'expliquer qu'ils sont de Marseille et qui sont prêts à me donner les adresses.

J'essaye de donner l'impression de faire partie de la bande, rigole à leurs blagues, mais je n'écoute que d'une oreille les conseils que l'on me donne. Je vois du coin de l'œil que le gorille s'approche. Mon cœur bat la chamade... J'essaie de cacher mes tremblements... J'espère vraiment que je donnerais l'illusion de faire partie du groupe. Alors qu'il est à 2 mètres de moi je ne me risque plus à regarder, et essayer d'avoir l'air concentrée sur la conversation...

Lorsqu'il passe je rigole un peu fort à une blague, en asseyant d'être la plus naturelle qu'il soit. Le géant ne s'arrête pas, il continue son chemin... Je respire. J'attends encore un peu qu'il s'éloigne, je remercie les jeunes pour leur sympathie, je me dépêche de partir dans l'autre sens.

Je sais qu'en partant à l'opposé de Terry je prends le risque de le mettre en danger mais je n'ai aucun moyen de me défendre... Je cherche à toute vitesse une solution... Je sens la panique me gagner. Je pourrais l'appeler et l'attirer de l'autre côté du wagon, mais que faire après ? Je peux passer dans le wagon d'après, et encore celui d'après mais arrivera un moment où je n'aurai nulle part où aller. Je ne suis pas sûr que le contrôleur du train arrive à l'arrêter.

Il s'approche des toilettes où se trouve Terry, et je hurle, sans réfléchir :

-C'est moi que tu cherches ?

Plusieurs têtes se tournent en même temps que la sienne. D'abord étonné, je vois son attitude changer quand il me voit. Je crois que de toute ma vie je n'ai jamais vu autant de haine dans un regard. Mais qu'est-ce que j'ai fait ? Quand je vois qu'il commence à avancer vers moi, je décide de partir en courant.

Evidemment c'est plus facile à dire qu'à faire. Entre les gens qui remonte le wagon dans l'autre sens, les valises qui traînent au sol, et le train qui bouge, je manque plusieurs fois de me casser la figure. Mais je tiens bon et je continue à avancer, sachant que s'il me rattrape, je suis morte. J'ai beau faire attention, la distance qui nous sépare rétrécie de plus en plus. Quand une main m'attrape le bras je manque de hurler. Une grosse main se pose sur ma bouche, m'empêchant d'émettre le moindre bruit. Son regard est féroce et lubrique. Je sens que mon cœur va exploser tellement il bat vite. Je suis terrifiée... Il se colle à moi, se marre, et grogne :

-Attend qu'on s'occupe de toi, espèce de salope.

Je me retiens de respirer, et j'essaye de me débattre, il est beaucoup trop près de moi... Beaucoup trop lourd, et imposant... Je cherche à tâtons quelque chose, n'importe quoi... Ma main s'arrête sur une poignée, au niveau de ma tête, et sans réfléchir, je tire dessus, de toute mes forces. Ça me fait un mal de chien, mais je continu, et alors que je suis prête à abandonner, la poignée cède. Au même moment je me décale autant que je peux sur le côté opposé, et la valise que j'ai attrapée tombe de tout son poids. Je guette le moment où la main du colosse me lâche pour fuir en courant. Je sais très bien que ça ne va pas le retenir... Alors je cours, priant pour que mes jambes ne me lâchent pas. Je passe au wagon d'après, et je repère une porte sur ma droite. Elle semble entrouverte. Je m'engouffre dedans, et pousse la porte. Je cherche quelque chose qui ressemble à un verrou. Je sens les larmes monter alors que rien n'indique qu'il y en a un... Puis je sens une poignée métallique, et le crochet, que j'abaisse immédiatement. A peines quelques seconde après, j'entends qu'on force la porte. Je me tourne, dos à la porte. Pourvu qu'elle ne cède pas...

Mais les bruits cessent, et le calme revient.

-Allo ? Quoi ?! J'arrive.

Je n'ose pas bouger... Il est juste de l'autre côté de la porte... Est-ce qu'il va partir ? J'attends, mais rien ne se passe... Est-ce que c'est un piège ? Est-ce que quelque chose est arrivé à Terry ? Mon ventre se tord tellement fort que j'en ai la nausée. Non... Je dois m'assurer qu'il va bien...

Je prends le temps de retrouver mes esprits, que ma respiration se calme, ainsi que mes tremblements. J'ai eu la chance de m'en sortir une fois, je sais que la probabilité de m'en sortir une deuxième fois est infime. Mais s'il est arrivé quelque chose à Terry, alors qu'est-ce que ça peut faire ? Ils peuvent bien la retrouver, ça n'aura plus d'importance.

Je secoue la tête pour éloigner cette idée sordide. Avec des mains tremblantes, j'entre ouvre la porte... Personne. J'ouvre un peu plus et passe la tête dans le couloir...

C'estalors que je le vois.