1 : D'une fenêtre et d'une batte.

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En prenant du recul sur tout ce qu'il s'est passé dans ma vie jusque là, on peut dire que je n'ai pas trop mal vécu : le mec moyen de base. S'il y avait un record de l'adolescent le plus basique du monde, j'aurais mes chances. Non pas que je souhaiterais gagner, mais j'aurais mes chances.

Des notes dans la moyenne, juste au dessus en réalité : onze ou douze dans les bons trimestres ; onze le plus souvent. Deux ou trois véritables amis, une bande de potes un peu plus étendue mais je ne suis pas non plus le genre de personne à inviter trente personnes pour fêter son anniversaire. Pas de petite amie mais une fille avec laquelle je suis très proche. En vérité, je suis totalement dans la friendzone mais je suis têtu et me persuade qu'un jour elle se rendra compte à quel point je suis génial. Des parents compréhensifs mais pas tellement quand ça en vient aux notes, une sœur énervante sauf quand elle a besoin de m'emprunter des vêtements (les filles préfèrent les vêtements d'homme mais continuent à s'habiller au rayon femme, pourquoi ?).

Peut-on créer une vie plus basique ? Cela ne m'étonnerait pas de chercher un synonyme de « dans la moyenne » sur Internet et y voir « Priam Viguel ». Ce qui serait déjà une petite victoire parce que pour le moment, j'ai l'impression que je suis le seul à porter le fardeau d'un tel nom.

Autant dire que je n'ai jamais trouvé mon prénom sur les bouteilles de Coca-Cola.

Mais je m'écarte. Tout cela pour dire : je suis la base de l'adolescent lycéen, un peu mal dans sa peau. L'archétype du geek qui se tape la jolie fille à la fin des films américains.

Sauf que clairement, je ne vais pas me faire la jolie fille. J'aurais pu, mais c'est un peu plus compliqué que ça.


Ma vie basique a pris fin un soir de septembre. Cela faisait deux semaines qu'on avait repris les cours et je m'acharnais sur un DM de maths. Je commençais à désespérer sérieusement, revoyant même le sens de ma vie à la baisse : qui étais-je ? Pourquoi avais-je choisi la filière S ? Et surtout, pourquoi Spé Maths ? Les maths ? Vraiment Priam, le bac à la fin de l'année et tu décides de tout miser sur les maths ? Bravo, bonne idée.

Le pire dans cette histoire ? J'étais trop têtu pour oser changer de spécialité.

Mais là n'était pas la question. Alors que je bûchais sur mon DM, j'ai entendu un bruit désagréable. Des sortes de coups successifs sur le carreau de ma fenêtre. Ma chambre donnait directement sur le jardin de devant. Au début, j'ai carrément flippé.

Qui frappe à votre fenêtre à vingt-trois heures ? Les psychopathes, les serial-killers, les criminels en cavale, les poupées qui veulent jouer avec vous et la liste n'est pas exhaustive. Alors j'ai fait le mort. J'ai même arrêté de respirer. Ce qui était, en soit, très stupide, puisque stopper ma respiration n'allait pas me rendre invisible. Mais personne n'a jamais dit que j'étais un modèle de logique.

Les coups n'ont pas diminué d'intensité. La personne derrière mon carreau était visiblement motivée. Au dernier instant, je me suis rendu compte que le vacarme risquait de réveiller mes parents à l'étage, alors dans un élan courageux (et surtout lâche, parce que je ne voulais pas me faire engueuler), j'ai ouvert la fenêtre.

J'ai aperçu furtivement une silhouette masculine escalader mon rebord, se faufiler dans ma chambre et glisser sous mon lit. Sans que je ne vois son visage, l'inconnu m'a ordonné :

- Ferme ta fenêtre et fais comme si je n'étais pas là.

J'ai froncé les sourcils mais ai obéi. Je suis retourné sur mon lit, mon ordinateur sur les genoux et je me suis débattu avec mon devoir de maths. Après trente secondes, j'en avais presque oublié que quelqu'un était sous mon sommier, jusqu'à ce que cette pensée me le rappelle.

Georges, le monde et moi.Où les histoires vivent. Découvrez maintenant