Le péage

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Pour passer, il fallait payer. Curtis l'avait appris à ses dépens. Alors qu'il s'apprêtait à faire valoir ses études en droit, Curtis avait reçu une de ces raclées comme on en voit qu'à la télévision. Il fallait payer.

Le quartier était divisé en deux par une petite rivière. Malheureusement pour la population, le Ngomna avait oublié de placer un pont au-dessus pour fluidifier la circulation. Le génie des jeunes désœuvrés d'Ekoké pouvait alors s'exprimer. À l'aide de deux énormes planches, Nyanom et Coco offraient la possibilité aux populations de se déplacer sans se mouiller. Mais le service n'était pas gratuit. Il fallait payer 50 francs CFA.

Curtis s'avança une fois de plus vers ce qui servait de pont, honteux. Face à Coco qui tenait lieu de gros bras pour les réfractaires, il baissa les yeux en signe de désistement. Le jeune diplômé en droit fourra une main dans sa poche et en sortit deux pièces de 25 Fcfa qu'il tendit à Nyanom, le caissier. Celui-ci éclata de rire.

—Petit frère, avant j'étais comme toi. Mais un jour tu comprendras.

Curtis se contenta de passer. En effet il ne comprenait pas. C'était sûrement là des fainéants qui avaient délaissé la voie des études, se dit Curtis en lui-même. Arrivé dans la vaste concession de ses parents, le jeune homme hurla le nom de son frère cadet, Patou, avant de s'asseoir à même le sol de la véranda. Ce dernier sortit de la maison, la mine défaite.

—Qu'est-ce qu'il y a à crier mon nom ? Je suis sourd ?

—Va me chauffer de l'eau s'il te plaît. J'ai mal partout

—On t'a agressé ? demanda Patou en dévisageant son grand frère.

—J'aurais préféré. Les deux passeurs au niveau de la rivière m'ont copieusement frappé.

Le jeune adolescent de 14 ans explosa de rire. Curtis l'observait d'un œil mauvais.

—Va me chauffer de l'eau dis donc !

Patou s'en alla en riant devant le regard désabusé de Curtis. Quelques minutes plus tard, sa mère passa le portail, un gros bouquet de fleurs en main.

—Mon fils, tu es venu nous rendre visite ? S'interrogea la vieille femme

—Oui Mama !

—Mais tu as mauvaise mine. Pourquoi ton visage est boursoufflé ?

—Ce n'est rien maman.

—Rien comment ? Je vois déjà mal ?

Arrivée à la hauteur de son fils, elle lui attrapa le visage qu'elle s'amusait à tourner de gauche à droite ignorant la douleur du jeune adulte.

—Aïe tu me fais mal !

—Donc ce n'est pas rien.

Patou sortit avec un seau duquel se dissipait de la fumée. Il vint le poser devant son frère.

—Apporte moi une serviette, lui lança Curtis

—S'il te plaît. On dit s'il te plaît, corrigea un Patou agacé

Il s'en alla à nouveau en direction de la maison.

—Tu as des nouvelles de ta copine Maffo ?

—Non j'espère la voir lors de mon séjour. Elle ne répond plus à mes appels.

—Okay. Fais vite, après tu iras acheter ma ventoline.

—Envoie Patou

Elle le regarda froidement.

—Okay Mama

***

Curtis était dans la pharmacie depuis quelques minutes. Un groupe de filles le regardait en riant. Il secoua la tête devant tant d'impertinence. Il passa sa commande et se fit servir assez rapidement. Il lui restait 100 fcfa. Il en avait donc assez pour passer ce qu'il avait fini par surnommer "le péage". Arrivé vers le pont, il remarqua Maffo, assise près de Nyanom. Ils avaient l'air complices. Il ne comprenait pas. Il s'avança et sortit de sa poche, sa pièce de 100 fcfa. Il la tendit à Nyanom.

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