L'héritage de l'Inu no Taisho

Chapitre 6 - Le Bouddha souriant

Le soleil approchait de son zénith lorsque Rin décida de faire une halte. Ils avaient survolés les terres agricoles des provinces de Musashi et Sagami, gouvernées par Hōjō Ujiyasu, sans s'arrêter. Partis de nuit, ils avaient profité des ténèbres pour se maintenir à une altitude relativement basse de manière à conserver les forces du démon renard. Le jour levé, Shippo avait dû flotter plus haut afin de ne pas être aperçu par les humains. Si les guerres étaient rares dans la région depuis l'alliance Kai-Sagami-Suruga, les yokaï restaient des êtres indésirables.

Shippo atteignant ses limites en milieu de matinée, ils s'étaient posés dans un champ sauvage à l'écart des habitations et avaient poursuivi à pied. Ils avaient depuis atteint la forêt d'Aokigahara qui s'étendait telle une mer d'arbres et leur offrait le couvert de ses branches.

— Tu aurais dû faire une lettre pour les prévenir, déclara le petit yokaï roux, fouillant dans le baluchon contenant leurs vivres. Ils vont s'inquiéter de notre disparition.

Durant leur marche, Rin lui avait donné quelques détails concernant leur voyage vers les terres de l'ouest. Incapable de dire exactement comment était la situation, elle avait préféré minimiser les dangers qu'ils étaient susceptibles de rencontrer. Shippo était, de toute manière, censé rentrer bien avant que ceux-ci ne se profilent.

Le petit garçon s'inquiétait de laisser ses amis sans nouvelles. Il avait bien compris que Rin n'avait pu les avertir personnellement. Ça aurait été encourir le risque qu'ils l'arrêtent dans son entreprise de poursuivre Sesshomaru. Mais une lettre aurait permis de les rassurer.

Cependant, c'était leur fournir la direction dans laquelle elle allait et la jeune femme ne voulait surtout pas être rattrapée. Peut-être devineraient-ils facilement où elle se dirigeait, néanmoins, ils perdraient d'abord du temps à la chercher dans les alentours du village.

— Tu les rassureras quand tu rentreras, répondit Rin en déballant soigneusement de la viande séchée.

Ils s'étaient arrêtés à l'ombre de divers pins, cyprès et honorables érables couverts de mousse. Assis sur un tronc d'arbre se décomposant sous l'effet de l'humidité, le duo déjeuna. Au menu, des tranches de bœufs séchées agrémentées de quelques baies qu'ils avaient ramassées en marchant. Ce n'était pas un repas extraordinaire et ils auraient vite fait de se remettre en route une fois celui-ci terminé.

— Tu crois que Sesshomaru va te garder près de lui si c'est dangereux là-bas ? interrogea Shippo, curieux.

— Il ne sera probablement pas content, mais tant pis ! Je décide de là où je veux être, assura Rin d'un ton déterminé qui rendit Shippo d'autant plus sceptique.

— Mouais... On va finalement faire le chemin du retour à deux, maugréa-t-il en levant les yeux en l'air.

Rin le foudroya du regard. Tirant sur la viande séchée qu'il avait entre les dents afin d'en détacher un bout, le renardeau sursauta. Comment faisaient donc les femmes pour toutes disposer de ce regard réprobateur ?

Après leur collation, ils se remirent en chemin. Sur leur route, ils ne croisèrent que quelques cerfs, écureuils, renards et oiseaux. Aucune activité humaine ou surnaturelle ne les laissa penser qu'ils avaient une autre compagnie que celle des animaux de la forêt. Cela leur permit d'avancer sans appréhension jusqu'au soir.

Engagés depuis quelques heures sur le flanc d'une moyenne montagne, Rin et Shippo voyaient les ombres gagner sur la lumière. Celles-ci étaient accompagnées d'une brume semblant provenir du sol. Epaisse, elle s'élevait rapidement entre les arbres, leur donnant un aspect de plus en plus lugubre. Bien vite les deux amis ne furent plus capables de distinguer ce qu'il y avait à trente mètres devant eux.