La fontaine - Les chroniques de Riley - Nouvelle n°1

Chapitre 2

De retour au village pour une semaine, je débutais par un café. Le garçon avait été à l'école primaire avec moi. Je lui demandais s'il avait entendu des histoires sur la fontaine. Et encore, un haussement d'épaule pour réponse. Je me rendis à la fontaine, qui n'avait pas bougée. J'en fîs le tour, scrutais les pierres, les arcs de métal, la sortie d'eau qui n'avait certainement jamais fonctionnée. Les arbres autours n'avaient pas l'air différents des autres, la route et le sentier non plus. Je connaissais des histoires sur le sentier et la forêt tout autour mais pour l'instant, je n'y avais prêté attention. La fontaine était si propre, si vide. Je m'assieds plus loin afin d'observer mon sujet. Je sortis de ma musette le carnet ancien emprunté à la bibliothèque et tenta une comparaison. La conclusion fut rapide lorsque j'apperçu une forme dessinée dans le fond. Comme s'il y avait eut une statue autrefois, trônant à l'arrière de la fontaine. Elle devait être mince et de bois. Ou alors c'était une ligne étrangement faite. Le fusain utilisé par l'artiste en voyage avait été estompé par endroit, ce qui rendait la lecture des traits compliquée. Je me rendis en lieu et place de la supposée statue qui auraient pu exister. Une plaque de pierre claqua sous mon pas, ce qui me surpris. Passant ma main sur le sol terreux, je perçu les rebords de la pierre que je sentis mobile.

Le lendemain, de nouveau face à mon café, je demandais encore au garçon s'il en savait plus. Il me gratifia d'un regard en coin et secoua la tête en signe de désapprobation. Il me traita de fou. Ce fut mon tour de hausser les épaules.

Le soir je me rendis à la fontaine. Je tentais de soulever la plaque de pierre. Elle glissa de quelques centimètres, suffisamment pour que je puisse y jeter un œil. Mon esprit espérait un escalier, un passage secret. Mais tout ce que mes yeux virent, fut le néant. Le Néant, avec une majuscule. Sous la pierre, un air si dense qu'on aurait pu le palper. Aucune lumière de l'extérieure ne pouvait transpercer ce néant. Tout semblait s'y engouffrer et ne jamais revoir la lumière du jour. Je reculais. Pensant que la fatigue et l'ivresse d'enfin trouver quelque chose même que je ne comprenais pas m'atteignait ; je replaçais la pierre et fit quelques pas vers le village où je créchais. Mais l'envie était trop grande, bien plus que le début de crainte que j'éprouvais alors.

Je poussais la pierre un peu plus loin et me retrouvais face à une flaque d'un noir si profond qu'il serait difficile en réalité de le décrire. J'imaginais mon pied s'enfoncer à travers, comme un liquide non-newtonien, solide et liquide, sec et gluant à la fois. Une grimace dégoutée et intriguée se dessina sur ma joue. Réfléchissant un instant sur ma condition, ce que j'avais à perdre ou à gagner en tentant d'y placer réellement mon pied, je revoyais toutes ses personnes muettes quant à l'histoire de la fontaine. Ils connaissaient très certainement la présence de cette chose, ce devait être pour cette raison qu'ils se taisaient à son sujet.

Je décidais de prendre mon courage à deux mains : prenais une grande inspiration, retins ma respiration et sautait à pieds joint dans ce corps noir. Comme dans une piscine glacée dans laquelle je n'aurais le choix que de plonger, je m'élançais en m'attendant à une morsure terrible. Un hurlement déchira l'atmosphère et mon corps rencontra un choc soudain sur le flanc droit.