5. Serviettes, crackers et trahison

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MACY 

Le 19 août

Aujourd'hui, j'ai mes règles. 

C'est la première fois.

Problème : ma mère a épuisé le dernier sachet de serviettes hygiéniques, sans s'imaginer que ce n'était plus qu'une question de semaines avant que sa fille de 14 ans ne découvre les joies des crampes, des fuites sur le matelas et du SPM qui va avec. 

Oui, je me suis beaucoup renseignée. 

Trop, probablement. 

Tenez : nous perdons deux à trois cuillères de sang tout au long de la semaine, voire plus en cas de règles abondantes, et on estime qu'une femme est menstruée environ sept ans, dans sa vie. SEPT ANS. Sept ans à se tordre de douleur sur son lit, le matin, avant de ramper jusqu'à sa table de nuit pour choper le dernier cacheton d'une boîte d'anti-douleurs en sachant pertinemment qu'il ne produira pas l'effet escompté. Sept ans. 

Sept ans, et je n'ai aucune protection à ma disposition, une fois le moment fatidique arrivé. 

Aucune protection, et un pied dans le plâtre qui m'empêche de clopiner jusqu'à la pharmacie de la ville d'à côté. 

Sans surprise, c'est Liam qui a dû s'y coller. 

Avec réticence, OK, mais je l'ai incité à s'enfuir de la maison en lui racontant une anecdote bien... sanguine : 

— Tu savais qu'au début du XXe siècle, on envoyait les femmes qui avaient leurs règles dans les champs de choux pour qu'elles dégomment des chenilles ? 

Évidemment, cette triple buse a décampé avant que je n'arrive à la partie croustillante : à cause de cette croyance totalement débile, on a appris que le sang menstruel a des vertus fertilisantes sur la plupart des plantes. 

Eh oui ! Dans la nature, rien ne se perd, rien ne se crée, et tout se transforme – merci Lavoisier.

Mon frère a mis un temps fou à revenir, si bien que j'ai cru que mes ragots l'avaient convaincu de quitter le pays et de ne plus y refoutre un pied avant ma ménopause. Mais lorsque je l'ai vu rentrer les bras chargés de tampons et de serviettes de marques et de tailles différentes, je me suis jurée de lui préparer une tarte au citron meringuée, quand je me serai enfin débarrassée de mes béquilles – c'est son gâteau préféré. 

En attendant, je me suis contentée d'aller lui chercher un sachet de crackers au fromage dans la cuisine, pendant qu'il prenait sa douche. 

Manque de bol pour lui, c'est le moment que son téléphone abandonné sur la table a choisi pour vibrer. 

Par réflexe, mes yeux papillonnent en direction de l'écran, et s'écarquillent en apercevant le nom de Rob, mon casseur de tibias.

Je tape aussitôt le code de Liam – 0703, la date d'anniversaire de Maman –, mais je ne suis absolument pas prête à découvrir le message qui s'affiche :

Rob : 

« Yo, bro ! Oublie pas de ramener la bouze, ce soir. J'ai pas envie qu'on arrive à court d'alcool dès le premier shot, à cause de toi. Pas comme l'autre fois. »

OK, c'est une atteinte à la vie privée et c'est puni par la loi, mais j'estime que c'est 100% légitime, quand votre propre frère vous mytho depuis des semaines

— LIAM ! explosé-je en me ruant à l'étage. 

Je n'attends pas sa réponse, et ouvre la porte de la salle de bain à la volée. 

ON THE LEAVES OF AUTUMNWhere stories live. Discover now