Chapitre 8 Océane

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Quand je me suis réveillée de mon cauchemar, je n’aurais pas pensé tomber sur toutes ces images.
— Mon Dieu, Jason !
J’ai toujours su l’homme qu’il était, qu’il avait acheté ce lieu pour sa rédemption, mais, ce qu’ont fait ces jeunes, ça a trop pour lui, pour sa santé mentale. Je me rappelle encore ces deux jeunes hommes, leurs mains, leurs sexes en moi et j’ai envie de vomir. Mais je me retiens devant l’homme que j’aime, il les ferait encore plus souffrir. Ce n’est pas que je ne veux pas qu’ils meurent, c’est pour lui, car je sais ce par quoi il est passé pour bloquer ses pulsions, pour essayer d’avoir une vie normale avec moi, pour qu’on soit heureux. À cause d’eux, il va redevenir le monstre qu’il a tant combattu.
— Tu sais ce que j’allais faire, ils le méritent.
— Je ne dis pas le contraire, mais toi, est-ce que tu le mérites ?
Il ne dit rien. Je ne vois aucun remords dans ses yeux, il n’en a jamais eu.
Je me souviens encore quand il m’a enlevée, j’avais peur, je voulais m’enfuir et puis, je me suis habituée à lui. Je me demandais pourquoi m’enfuir alors que personne ne m’attendait, que j’étais seule et harcelée dans mon foyer. Mes parents étaient des gens pauvres, des rebuts de la société qui buvaient pour oublier leur peine. Ici, j’avais Jason. S’il me tuait, ou me faisait du mal, ça ne pouvait pas être pire. Il m’a sauvé sans le savoir, rester avec cet homme a été la plus belle chose que j’ai faite et, chaque jour que Dieu fait, je ne le regrette pas.
Chacun porte sa croix et ce qu’a Jason au fond de lui, ces troubles, ne sont pas si différents des miens. Il suffit juste de trouver quelque chose qui le remplace. Pour lui, c’était ici, cet espace Game et moi, mais maintenant il n’a plus rien.
— Je t’aime, Océane, tu le sais ?
Cet homme, qui n’avait jamais eu peur avant de me rencontrer, panique dès qu’il me fait du mal ou qu’on se dispute. C’est comme ça que je sais que, dans son cœur noir, il m’aime vraiment. Il n’a pas peur que je parte, mais que je ne ressente plus rien pour lui ou qu’il me dégoûte tellement que je ne supporterais plus qu’il me touche. Quoi qu’il fasse à quelqu’un d’autre, je l’aimerai toujours et jamais je ne le quitterai. Lui et moi, nous sommes liés à vie. Si lui, un jour, décidait de me quitter, je me tuerais. Je ne pense pas qu’il le fera, il ne me laissera jamais m’échapper, mais, de toute façon, s’il prenait cette décision, je ne lui en voudrais pas. Je ne voudrais pas vivre dans un monde où il n’est pas.
— Je t’aime aussi, Jason, mais j’ai peur pour toi.
Il s’agenouille devant moi et pose sa tête sur mes genoux. Je lui caresse les cheveux comme à chaque fois qu’il est stressé.
— Il faut qu’ils meurent. Je ne pourrais pas supporter qu’ils restent en vie, j’y penserai tout le temps et ça me bouffera de l’intérieur.
Ça aussi je le sais, quand le monstre est sorti, il est difficile de le faire rentrer.
— Mais quand tu les auras tous éliminés, ne voudras-tu pas en tuer d’autres ?
— On va partir, loin, tous les deux, prendre des vacances. Je ne tuerai plus sauf si on te fait du mal, mais ne me demande pas d’arrêter maintenant, s’il te plait. Tu sais que j’en suis incapable. On t’a fait trop de choses pour que je les laisse partir.
Je revois ce qu’ils m’ont fait… Si j’ai réussi à m’en sortir après autant de temps en foyer, je saurai surmonter ça aussi. Je regarde mon bras et me souviens comment ils m’ont mal, me brûlant avec leurs joints juste pour le plaisir, me frappant jusqu’à ce que je perde connaissance, m’obligeant à les sucer à dix ans à peine ou à les branler jusqu’à ce qu’ils jouissent sur mon visage. La première fois qu’on m’a violé l’anus, je devais avoir treize ans. Bien sûr, il ne fallait pas laisser de preuve, c’est pour ça que j’étais encore vierge quand j’ai rencontré l’homme de ma vie. J’ai de suite su que c’était le destin, qu’il ne fallait pas que je parte. Jason ne sait pas tout ça, j’ai évité de lui raconter cette partie de ma vie. Il sait que ça n’allait pas dans mon foyer, mais pas à quel point. Je suis confiante de m’en sortir aussi cette fois, l’amour de mon mari arrivera à me faire tout oublier, même les pires choses de la vie.
Je vais le laisser se libérer de ça, même si je pense que ce n’est pas une bonne idée. Il faut qu’on reparte à zéro comme avant, heureux et, quand je vois ce qu’il a déjà fait, il est trop tard pour faire machine arrière de toute façon.
— Finis ce que tu as à faire, Jason, mais après je ne veux plus de ça. Je t’ai tout donné, je veux que tu fasses pareil. Quand on sortira d’ici, c’est fini, tu ne tueras plus de ta vie.
Il lève la tête et me regarde.
— Et si un jour on te fait à nouveau du mal ?
— On appellera la police et on les laissera faire. C’est comme ça que les gens normaux font et je veux devenir comme eux.
Il repose sa tête.
— D’accord.
Jason est un grand enfant, il a constamment besoin d’être rassuré avec moi. Je ne suis pas sûre qu’il était comme ça avant, il semblait tellement sûr de lui quand je l’ai rencontré. Mais je le fais douter de lui-même depuis et il ne devrait pas.
— Quoi que tu fasses, je t’aimerai toujours. Il faut que tu arrêtes d’avoir peur, Jason.
— Je vais y retourner et finir ce que j’ai commencé. Je veux que tu prépares nos affaires, ainsi que nos faux papiers qui sont dans le coffre. Il faudra partir vite, car, plus l’heure tourne et plus les gens vont s’inquiéter. Il reste quatre heures avant que le jeu soit censé finir. Le temps que tout le monde s’inquiète, il nous reste maximum cinq heures pour que je finisse et que nous partions loin.
Il a toujours tout prévu au cas où son passé remonterait à la surface et on a, depuis longtemps, plusieurs passeports avec des noms différents.
— Je vais faire ça.
Je lève la tête vers les caméras juste par réflexe.
— Regarde-moi ces deux-là.
Il se lève et voit aussi le frère et la sœur, en train de s’embrasser et se tripoter.
— Tu devrais les laisser en vie.
— Le mec, il t’a violée, il ne mérite rien d’autre que mourir !
— Ils vont souffrir toute leur vie, Jason, ils ne pourront jamais être ensemble, ou devront se cacher. Ce qu’ils font, c’est mal et ils en seront toujours malheureux. C’est bien plus vicieux que de les tuer.
Je vois le sourire de Jason s’agrandir et j’espère avoir trouvé le bon truc pour en sauver deux. C’est déjà ça.
— Ça pourrait être une bonne idée.
— Ils ne vont pas s’arrêter là, ils ont l’air de s’aimer bien plus fort que les liens fraternels.
Le garçon et la fille se câlinent. Moi, je ne suis pas choquée. Quand on a vécu autant de temps avec un homme comme Jason, on n’est plus étonné de rien.
— Je vais aller m’occuper de ce gars-là.
Il me montre celui qui a les jambes estropiées et qui ne cesse de pleurer depuis que je me suis mise devant les caméras. Je me lève, vais dans la chambre, je ne veux pas le regarder faire, je ne suis pas une voyeuse de ses vices. Je préfère préparer nos valises, m’imaginer que rien n’est en train de se passer.

Du plus profond de mon âme Where stories live. Discover now