La seule solution

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Nous ne patientons pas longtemps. Paisibles, submergés par le haut et noble soleil, les Hommes du Sud se remettent du siège et de la tragédie avec une facilité typique des mortels. Ils ont assez pleuré leur Roi ces dernières heures et ils doivent célébrer la fin de l'oppression des Mages Fous. Ils crachent sur l'Obscurité et insultent les sauvages, ils ont rétabli l'ordre dans les tavernes et le conseil organise une somptueuse réception pour redonner le sourire aux courtisans, disent-ils. De la terrasse, Laerran et moi percevons des murmures, des rires, les enfants recommencent à jouer, les poules sont retournées au poulailler et les chats les regardent de loin. 

Un raclement de gorge nous tire de nos réflexions. Torebok passe le chambranle de la grande fenêtre et nous rejoint, peu fier et certainement pas joyeux. Merialeth le suit à distance. Son anxiété apparente n'indique rien de bon. Elle s'inquiète pour le Nain, et surtout pour ce qu'il lui faut nous révéler à présent. À bien le détailler, il a l'air exténué, davantage qu'après tous ces jours de fuite et de course contre le temps. L'on croirait qu'il a vieilli de vingt ans dans la nuit. Ses traits tirés, ses épaules affaissées et cette larme discrète au coin de son œil... Tout désigne un lourd fardeau qu'il a préféré taire. Devant moi, il fait mine de s'égayer et lâche une politesse sans le moindre fondement :

— Dame Aeryn, par la Première Hache, je me réjouis de votre...

— Non, ne vous fatiguez pas en une mascarade inutile. Torebok, nous avons dépassé cela. Qu'avez-vous découvert ? 

Son expression feinte s'efface aussitôt, il soupire et se tourne vers les Montagnes Inexplorées, leur demandant conseil dans son trouble. Sa réponse nous laisse interdits.

— La mort. 

Les cavernes lui manquent. Il choisirait mille fois de travailler dans les forges avec ses compagnons, discuter avec n'importe quel Seigneur Nain dans leurs cavernes, plutôt que de rester une minute de plus ici. Lorsqu'il pivote vers nous, Torebok évite avec soin le visage tracassé de Merialeth. Elle aimerait le réconforter, mais elle ne sait pas comment faire. Il inspire un bon coup et se décide à passer aux aveux. Nous sommes pendus à ses lèvres et très vite, la raison de son chagrin apparaît de plus en plus claire.

— Les proches de Brovas ont été avertis de ma venue, par Orist Norfir notamment. Malgré le décès de leur Roi, ils n'ont pas tardé à me conduire dans une salle froide et vide, une cage verrouillée s'y trouvait et à l'intérieur, l'arme sommeillait. Il s'agit...

Il a besoin de s'éclaircir la gorge. Je présume qu'il s'est peu nourri et hydraté ces derniers jours.

— Il s'agit d'un alliage d'aciers, comme prévu, en forme de rond et il manque bel et bien le bout qui m'a été confié. Si l'on observe bien cet objet, l'on se rend compte qu'il dissimule quelque chose. Avec prudence, j'ai ôté une autre petite partie. Pour voir son contenu. De la Lumière. Mes amis, cette arme contient de la Lumière pure. Je soupçonne que le Mage libre l'a confectionnée avec l'aide des Elfes de Iovannen ou de la Grande Région. Des êtres de Lumière qui ont offert leur magie pour la science.

— Qu'est-ce qui vous perturbe tant ? s'enquiert Merialeth sans pouvoir s'en empêcher.

Ses paupières papillonnent avec une brève frénésie. Il ravale ses larmes. Une tristesse me monte, et je n'en connais même pas encore l'origine.

— Il s'avère que les Hommes du Sud ont déterré une lettre, qui accompagnait l'arme. Cette lettre, des plus courtes, explique des principes fondamentaux sur son utilité. En l'examinant, je m'étais aperçu d'un premier détail moi-même. Cette arme est dotée d'un puissant explosif. En fait, l'arme est l'explosif. Je l'ai tout de suite compris, parce que la Lumière refuse toute captivité. Elle trouvera toujours un moyen de fuir l'enfermement. Tous ceux qui ont essayé de mettre la Lumière dans un contenant hermétique, pour la manipuler ou l'étudier à leur guise, ont décrit une vive explosion. 

Dame AerynWhere stories live. Discover now