Sans répit

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Une main sur mon flanc, l'autre autour des épaules d'une Veseryn dont les larmes de peur ne cessent de couler, nous nous apportons un soutien mutuel, physique de sa part et émotionnel de la mienne. Bien que ma jambe traîne un peu au sol, clopinant tant bien que mal, les meurtrissures de mon corps commencent déjà à s'apaiser. J'ai toujours récupéré vite, il ne manque qu'un bandage à mon abdomen et les herbes médicinales d'Orist. Inutile de songer à une quelconque guérison, car notre voyage ne m'autorisera pas le moindre repos. 

En remontant le ravin, je constate que Lévitation a été vaincu. L'exploit de la tête coupée revient sûrement à la hache de Torebok. Je discerne également une dizaine de flèches que l'archer reprend une à une, les nettoyant sur les habits ensanglantés de leur victime, et je repère quelques coups d'épée. Un combat de longue haleine, pour sûr, qui aura mobilisé toutes leurs aptitudes. 

Orist nous remarque en premier. Il pousse une exclamation de victoire à la vue des deux enfants, sains et saufs, mais se rembrunit à mon état. Je lui fais signe de ne pas s'inquiéter et pour le prouver, je lâche Veseryn, boitant de moins en moins au fil des secondes. Tous les autres réagissent en miroir. À noter que Lévitation ne les a guère épargnés. Coupures, hématomes, coups à la tête, ils ont dû voltiger dans les airs un moment avant de l'achever. Je m'étire un peu et grimace à la vive douleur de mon ventre. 

— Je vous prépare une mixture qui soignera cette méchante plaie en un rien de temps.

Sitôt qu'il prononce ceci, Orist ouvre son sac et en extirpe les plantes nécessaires à sa concoction. 

— Un breuvage ou une crème à appliquer ? s'enquiert Duran.

À sa question, Orist jette les plantes dans sa gourde, presque vide. Je devine qu'aucun de nous n'a résisté à l'appel de l'eau après un tel combat, ce qui me préoccupe bien plus que ma blessure. Nous devons impérativement dénicher une rivière, un ruisseau, un torrent, peu importe tant que nous nous réapprovisionnons. 

— Venez, continue Duran, je vais panser cette blessure pendant que le magicien...

Je ne lui laisse pas terminer sa phrase. Passant à côté de lui, toute mon attention braquée sur le Nain, je fonce droit sur lui. Torebok ne saisit pas la raison de mes traits tirés et recule par instinct. En vain. Sans vergogne, je lui décoche une magnifique droite. Le choc le fait partir en arrière et aussitôt les larmes de Veseryn s'assèchent. Je le retiens pour qu'il ne m'échappe pas et me défoule, je l'admets, évacuant toute ma frustration :

— Je vous accompagne depuis un peu plus d'une journée, une journée seulement, et vous êtes tous prêts à vous insulter à la moindre occasion ! Tout le monde se méfie de tout le monde. J'en ai assez d'écouter vos suspicions et de constater la déloyauté apparente des membres de cette troupe. Avez-vous tous conscience des périls qui nous attendent sur notre route ? Hum, en êtes-vous certains ? Parce que, des Lévitation et des Invisibilité, nous en rencontrerons des tas. Nous tomberons dans ce genre de piège encore et encore ! Que sommes-nous sans loyauté les uns envers les autres, si ce n'est une bande de crétins ? Alors, vous mettrez tous de côté les mystères et les tromperies que nous nous dissimulons et vous vouerez une foi aveugle en vos compagnons. C'est clair ? Orist n'aurait pas choisi des traîtres ou des scélérats pour participer à des desseins aussi importants. Il lit les passés, pour votre gouverne. C'est son pouvoir. Il sait tout de vos vies. Ne le sous-estimez jamais dans ses choix, car il ne serait berné par des mensonges. 

Torebok hoche tout du long la tête, muet et ahuri. J'arrête de le secouer comme un prunier et il souffle d'un coup, mais je n'ai pas fini. Ni une, ni deux, je me dirige cette fois-ci sur l'Elfe qui souriait bêtement en coin. À mon approche, ses lèvres retombent et il semble sur le point de produire toute une argumentation pour justifier ses insultes de tantôt. Ce serait mal me connaître. Je lève la main ; or, contrairement au Nain, il la saisit au vol et regrette tout de suite son réflexe. Il aurait mieux fait d'accepter cette gifle. Le poignet pris, je lance mon genou dans sa rotule et mon autre poing dans son estomac. Il grogne, mais ne dit rien.

Dame AerynWhere stories live. Discover now