45. Autour d'une salade

Depuis le début
                                    

— On a aussi appelé pour savoir si on pouvait libérer le corps de Linda Belarez, intervint Louis Eberhart, qui poursuivait son autopsie.

Laura releva les yeux, lorgna un instant le frigo 12, puis secoua la tête.

— C'est trop tôt. Beaucoup trop tôt.

Ubis courait toujours.

— Je viendrai m'occuper d'elle et des deux corps du Tren en fin de journée. Boucler les dossiers.

Eberhart était désormais trop concentré pour réagir, peut-être ne l'avait-il même pas entendue. C'était sa marque de fabrique, cette tendance à une concentration telle qu'il décrochait de l'environnement autour de lui, Laura s'en souvenait. Sans plus attendre, elle glissa le paquet mystérieux dans la sacoche de son ordinateur portable puis regagna l'air libre.


Mains dans les poches de son trench désuet, Celarghan faisait les cent pas sur le trottoir. Lorsque Laura arriva à sa hauteur, il lui décocha un de ses sourires tordus, une expression qui paraissait toujours artificielle sur son visage. La jeune femme apprécia néanmoins l'effort.

— Bonjour Laura.

— Bonjour Michael.

— Vous vous sentez mieux. J'en suis heureux.

Elle haussa les épaules, soucieuse de ne pas le laisser briser ce qu'elle essayait de conserver.

— La vie continue.

— Depuis le début des temps et jusqu'à leur fin.

Elle manqua rire, mais il était pareil à lui-même, elle ne pouvait guère le lui reprocher.

— Votre enquête avance bien ? demanda-t-elle.

— Oui et non. Vous voulez...

Il s'interrompit, parut embarrassé.

— Je n'ose plus vous poser la question.

— Posez-la.

— Vous voulez aller manger un morceau ? Il est midi et...

— D'accord.

Pris au dépourvu, il resta muet une seconde, les yeux écarquillés comme s'il avait vu un fantôme. Puis il secoua la tête et l'invita à le suivre. Avant de grimper dans le SUV, Laura jeta un dernier regard, incertain, vers l'Institut, puis haussa les épaules et monta.


Ils s'installèrent dans un petit restaurant végétarien que Celarghan avait apparemment repéré quelques jours plus tôt et dans lequel il était déjà venu plusieurs fois. Laura ne put s'empêcher de lui en faire la remarque.

— Vous êtes un tueur végétarien ?

— Je ne tue que des coupables, dit-il, avec son sérieux inimitable.

— Oh, excusez-moi.

— C'est un fait.

Autant ne pas épiloguer sur le sujet.

— Donc, cette enquête ?

— C'est plus compliqué que prévu, mais je ne suis pas inquiet, annonça-t-il avec flegme. J'aurais juste voulu régler ça plus rapidement. Ils savent que je les traque, donc ils se fondent dans la masse en espérant que je me lasse. Mais ça n'arrivera pas. Je suis venu pour eux et je ne partirai pas avant d'avoir rempli ma mission.

Il rassembla trois feuilles de salade, les coupa soigneusement, les avala aussitôt.

— Ils pourraient quitter la ville, proposa Laura. Ils l'ont peut-être fait, déjà.

Les affaires des autres (Laura Woodward - T1)Où les histoires vivent. Découvrez maintenant