Cinquième Lettre

15 5 0
                                    

Lettre de Henri à Rose

[Date : 26 septembre 1943]

Ma chère Rose,

Aujourd'hui, le 26 septembre 1943, je m'assois devant cette table de fortune pour t'écrire ces mots. Les jours s'enchaînent ici et le quotidien commence à me peser. Les repas, aussi limités soient-ils, sont tout de même un réconfort dans cette base. Et ne parlons même pas de ce lit qui te briserait le dos à chaque mouvement.

Mais ce n'est pas tant le confort matériel qui m'accable en ce moment, c'est bien autre chose. La date fatidique approche à grands pas. Le 19 octobre, notre escadron s'élancera dans cette mission cruciale dont je t'ai parlé dans ma dernière lettre. Les préparatifs sont intenses et je sens l'anxiété s'emparer de chacun d'entre nous.

Et pourtant, ma chère Rose, il y a quelque chose de bien plus sombre qui pèse sur mon cœur en ce moment. Récemment, nous avons perdu un camarade cher lors d'une mission de reconnaissance aérienne. Son avion a été abattu, et malgré les efforts de l'armée de terre française pour récupérer ce qui était récupérable, la réalité de cette perte est insoutenable.

L'endroit où son avion s'est écrasé était encore dangereusement proche de la position ennemie, mais notre armée a bravement entrepris cette mission de recherche. Ils ont pu retrouver le corps de notre camarade, et bien que je ne puisse te décrire l'état dans lequel je l'ai vu, je peux te dire que cela m'a profondément marqué. Les horreurs de la guerre se manifestent de bien des manières, et c'est dans ces moments-là que notre fragilité et notre humanité sont révélées.

Je m'excuse si mes mots te troublent, ma chère Rose. Je sais que tu attends de moi des récits de courage et d'espoir, et je ne veux pas ternir ton esprit avec les sombres réalités que nous affrontons ici. Sache cependant que malgré les peines et les horreurs, je reste déterminé à poursuivre notre mission avec vaillance. Je me raccroche à l'idée que notre engagement contribuera à mettre fin à cette guerre insensée et à préserver un avenir meilleur pour nous tous. S'il y a bien une chose dont je me réjouis, c'est de pouvoir encore regarder mes bras et mes jambes en un seul morceau, et de pouvoir t'écrire ces mots.

Prends soin de toi, ma bien-aimée. Supporte mon absence et les pensées de désespoir qui m'envahissent parfois. Les moments délicats sont nombreux, mais c'est dans l'amour que nous puisons notre force. Je t'envoie tout mon amour et te promets de faire tout mon possible pour revenir sain et sauf vers toi.

À bientôt, ma tendre Rose.

Henri

Lettres d'un Pilote, Seconde Guerre MondialeOù les histoires vivent. Découvrez maintenant