PROLOGUE

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Maxence

Le pas lourd, mais pourtant assuré, je me dirige vers la grande bibliothèque de la Fac. Si celle-ci est déserte à cette heure-ci, ce n'est pas pour me déplaire. La solitude est quelque chose que j'ai appris à dompter. Elle est même une seconde nature chez moi. Comme une carapace que j'endosse et avec laquelle je me suis habitué à vivre. Elle me protège des autres, m'évitant de me perdre dans le tourbillon de ceux qui s'agitent pour combler le vide de leurs vies. En parlant d'agitation, mon regard est attiré vers l'équipe de Cheerleading qui hurle à en perdre la voix, leurs mouvements de bras et de jambes ressemblant à des poupées désarticulées.

En arrière-plan, l'équipe de basket s'entraîne. Ici, ce sont eux qui font la pluie et le beau temps, la carrière toute tracée comme les bons fils à papa qu'ils sont. Sans doute un avant-goût de leur vie future, où ils pourront décharger leurs responsabilités sur de pauvres subalternes, tout en se concentrant sur leurs parties de golf et leurs clubs élitistes

Quant à moi, je n'ai pas le temps pour toutes ces futilités. J'ai deux personnes qui comptent sur moi à la maison, même si ma mère se satisfait de sa vie aux horaires surchargés, jonglant entre son travail de nounou qu'elle aime par-dessus tout et les ménages qu'elle accepte en plus pour apporter du beurre dans les épinards. Sans oublier mon petit frère, pour qui je dois être un exemple et lui montrer qu'il peut faire de sa vie ce dont il décide. Que tous les rêves sont accessibles si l'on y met tout son cœur en travaillant avec acharnement.

Il y a bien longtemps, je me suis fait une promesse. Celle de ne plus jamais voir celle qui est la plus importante pour moi regarder dans le vide, assise sur une chaise de la petite cuisine qui nous sert de chez nous. Derrière son caractère bien trempé et sa gouaille légendaire, j'ai ce jour-là, malgré-moi, entre aperçu la fatigue et la lassitude qui est sienne depuis le départ de mon père. Plus jamais elle n'aurait à tout assumer toute seule, je m'en étais fait le serment. Elle ne l'avait que déjà bien trop fait.

Mais pas le temps de m'appesantir plus sur mon sort. Je soupire profondément et réajuste ma besace sur mon épaule qui glisse sous le poids des nombreux livres qu'elle contient. La lourde porte de mon lieu préféré se profile devant moi. Si je n'étais pas aussi épuisé d'avoir passé une nuit blanche le nez plongé dans mes manuels de droit, j'aurais presque pressé le pas pour profiter au plus vite du silence qui y règne. Les cris des athlètes rebondissent sur les arcades du vaste couloir extérieur en pierre de taille qui entoure le bâtiment principal de la faculté martelant ma tête sans répit. Comme toujours, je garde les yeux fixés au sol pour signifier mon désir de solitude. Un rayon de soleil de ce mois de septembre auréole une chevelure blonde que j'ai bien malgré moi déjà regardé bien plus que de raison. Je m'arrête un instant et réajuste mon mocassin.

Ce que j'ignore encore, c'est que mon pire cauchemar se trouve à mes côtés, tout près.

Hide and Love - UniversityOù les histoires vivent. Découvrez maintenant